Il est difficile de résumer « Iris » sans dévoiler tous les ressorts et les rebondissements d’un scénario quand même assez complexe, assez retors même. On ne perd jamais le fil et pourtant l’intrigue fait plusieurs virages à 180°, les dominés et les dominants s’inversent plusieurs fois, tout le monde manipule tout le monde et inversement, les coupables deviennent des victimes puis redeviennent des coupables, on pourrait s’y perdre et pourtant au final, le tableau est clair et on se rend compte qu’on a tout compris sans avoir décroché une seule minute. En fait, le film (qui part bille en tête) est une sorte de puzzle, les nombreux flash back nous offrent des pièces qui finissent par s’assembler sans trop de difficultés. Une fois le puzzle achevé, on obtient un thriller poisseux et malsain. Techniquement, le film de Jalil Lespert à des qualités et des défauts un peu énervants. Il est rythmé, joliment filmé et bénéficie d’une photographie soignée et d’une bande originale qui, même si elle est omniprésente, n’est pas désagréable et plutôt bien utilisée. Certains plans sont recherchés, c’est dirigé avec soin et par un réalisateur qui aime visiblement bien faire. Par contre, et je ne suis pas certaine de comprendre l’intérêt, Lespert multiplie les plans larges de Paris (Paris la nuit, Paris au petit matin Paris sous la pluie, Paris sous un froid vif mais ensoleillé, Paris au crépuscule…) et les case en guise de transition entre chacun des « chapitres » de son film. C’est toujours joli les plans larges de la Ville Lumière, mais tout est dans la mesure et là, je crois n’en avoir jamais vu autant dans un seul film ! Si encore cela avait un intérêt au regard de son intrigue, j’aurais pu comprendre, mais là il les enchaine comme un gimmick dont je n’ai pas compris la pertinence. Côté casting, Lespert s’est octroyé le rôle du mari banquier ombrageux, et il offre à Romain Duris le rôle d’un looser financièrement aux abois pris dans un engrenage malsain (tiens, tiens… J’ai déjà vu Duris dans un rôle quasi similaire il n’y a pas longtemps : « Un petit boulot » !). Duris joue parfaitement bien le rôle du petit lapin pris dans les phares de la voiture
avant d’à son tour devenir un chasseur
. Quant à Charlotte le Bon, elle donne corps (et quel corps !) à une sorte de rose magnifique, mais dont les nombreuses épines sont empoisonnées. Elles aussi, dans un registre qu’elle n’avait pas encore beaucoup exploré, s’en sort remarquablement bien. Les seconds rôles, Camille Cottin et Adel Bencherif (les deux policiers de la Crim’ en charge de l’enquête) sont un peu effacés (lui encore plus qu’elle) c’est un tout petit peu dommage. La relation entre eux est effleurée mais ça ne va pas plus loin. Dans ce cas, pourquoi l’évoquer ? Elle n’apporte pas grand-chose à l’intrigue. Le scénario est complexe, les rebondissements sont bien amenés et personnellement, je me suis laissée surprendre par le tout premier (et le plus important) d’entre eux. Après, le puzzle se met en place et l’on découvre que cette intrigue à tiroir nous amène dans le Paris des back room, où la bonne société laisse libre court à ses pulsions inavouables à l’abri des regards.
L’intrigue fait penser (de loin) à l’affaire Edouard Stern, ce banquier suisse mort pendant une séance SM et dont la mort, mal maquillée, avait révélé les dessous poisseux de la bonne société bien friquée.
Il y a aussi d’ailleurs un petit arrière gout de lutte des classes dans « Iris », où le petit garagiste quasi ruiné se retrouve aux prises avec un banquier d’affaire qui cache assez mal son mépris. Même si « Iris » ne manque pas de qualités, je ne suis pas certaine que tout soit parfaitement crédible dans cette histoire bien tordue, notamment dans la façon dont l’enquête de police est menée. Quant à la fin du film, elle est sèche et abrupte. Je sais que les fins brutales, c’est la mode mais rien à faire : ça m’énerve ! En résumé, « Iris » est un thriller à rebondissement plutôt bien tenu, assez glauque et qui malgré quelques défauts un peu énervants, tient malgré tout bien la route.