Emmanuelle Cuau définit Pris de court comme un thriller familial. La cinéaste et la scénariste Raphaëlle Desplechin ont cherché à créer de la tension en partant d'une situation banale dans le monde d’aujourd’hui : le fait d'être évincé brutalement d'un emplois nous ayant été promis. Cuau confie : "C’était important pour Raphaëlle et moi de ne jamais perdre de vue que l’on racontait une famille. Ce n’est pas : Nathalie, une mère courage, mais une mère et ses enfants. On essayait toujours d’en revenir à ça, à eux trois, à ce qui les lie."
Dans Pris de court, Emmanuelle Cuau n'a pas voulu s'attarder sur les états d'âme des personnages mais plutôt montrer comment ces derniers encaissent les coups et prennent sur eux. "Le film est toujours en mouvement vers autre chose qui s’emballe et se calme, comme un fleuve qui entraine tout sur son passage. (...) Au scénario, puis au montage, j’ai continué à retirer des moments trop explicatifs et j’ai aussi beaucoup coupé de petits plans assez transitoires préférant des fondus noirs qui ponctuent les trois mouvements du film. Je voulais que les choses soient dites dans le silence et dans les ellipses", explique la cinéaste.
Emmanuelle Cuau avait déjà filmé l'engrenage dans certaines de ses précédentes réalisations. C'est par exemple le cas de Très bien, merci où le personnage tenu par Gilbert Melki se voit confronté à un engrenage implacable et Circuit Carole avec cette fille qui découvre l’univers de la moto sous le regard angoissé de sa mère.
Contrairement à ce que peut laisser supposer le point de départ de Pris de court, Emmanuelle Cuau n'a pas cherché à faire un film social. La cinéaste a plutôt voulu raconter l'histoire d'une mère prête à tout pour sortir son fils d’un mauvais pas.
Gilbert Melki avait déjà tourné sous la direction d'Emmanuelle Cuau dans Très bien, merci. Lorsque le comédien a vu la réalisatrice avant le tournage de Pris de court pour parler de son rôle, il venait de terminer Vendeur, où il campait un vendeur cocaïnomane. Cuau se souvient : "Il m’a dit : « Dans le film de Sylvain Desclous, je n’arrête pas de prendre de la cocaïne, je picole, je fume... Si je pouvais être un peu plus clean dans le tien , ça m’arrangerait !"
En écrivant le film, Emmanuelle Cuau ne savait pas quelle actrice elle allait choisir pour jouer le personnage principal (surtout par peur d'un éventuel refus). C'est la productrice Julie Salvador qui a proposé à la cinéaste de confier le rôle de Nathalie à Virginie Efira. "J’ai trouvé que c’était une très bonne idée, je l’avais trouvée formidable dans 20 ans d’écart. A cette époque, elle avait essentiellement tourné des comédies plutôt populaires et je me suis dit qu’un personnage un peu plus dramatique pourrait l’intéresser", se rappelle Cuau.
Au départ, Emmanuelle Cuau avait pour idée que le personnage de Nathalie, via son métier, puisse sauver son enfant embourbé dans son mauvais pas. C'est la scénariste Raphaëlle Valbrune qui a présenté à la réalisatrice une créatrice de bijoux. Cuau se souvient : "Ça me plaisait de filmer ce travail minutieux à la fois créatif et manuel, sur de si petites choses et sur des détails dont la valeur dépasse parfois les 500 000 euros. C’était important pour moi que Nathalie aime son travail et qu’elle soit douée."
A l'origine, Emmanuelle Cuau ne souhaitait pas de musique dans le film mais la monteuse Anja Lüdcke l'a convaincue du contraire. La cinéaste explique : "On a décidé, plutôt que de dispatcher les deals de Paul dans le cours de l’histoire, de les montrer groupés pour exprimer qu’il s’est vraiment engouffré dans la délinquance. Et la musique s’est imposé sur ce moment. De même, lorsque Nathalie fabrique le faux collier chez elle, dans sa chambre. On retrouve alors le même thème musical, exprimant que chacun d’eux dévie à sa façon."
Le tournage de Pris de court a commencé le 16 novembre 2015, soit trois jours après les attentats de Paris. Comme la préfecture de police avait interdit les rassemblements, Emmanuelle Cuau et son équipe ont dû en permanence remanier le plan de travail en attendant les autorisations de tourner les extérieurs. "C’était important pour moi de pouvoir filmer Paris, l’arrivée de cette famille d’une ville de province dans le tourbillon de la ville, l’effervescence de la place d’Italie à 8 ou 9 heures du matin, quand les gens entrent et sortent du métro, filent à leur travail...", précise-t-elle.