Alain Cavalier confie avoir eu du mal au début à filmer correctement l'intimité du célèbre écuyer Bartabas et son cheval préféré Caravage : "Il est fait de rythmes et mélodies musculaires qu’il faut capter à la seconde. J’étais jaloux de l’aisance de Bartabas sur sa monture, j’étais navré de mes mains pataudes sur ma caméra. Je me suis entêté. Bartabas m’a aidé ; il ne s’alarmait pas quand il me voyait douter qu’un film puisse sortir de tout ça."
Chaque jour, le metteur en scène passait une demi-heure, sans parler et filmait la cérémonie intime qu’est le travail de Bartabas avec Caravage sur les figures équestres codées ou inventées.
"J’aimais beaucoup, tôt le matin, prendre le métro à la Porte de Saint-Cloud pour me rendre au Fort d’Aubervilliers, siège du théâtre équestre Zingaro. À l’écurie, je disais « Bonjour » à la palefrenière et je la filmais qui brossait, tressait, sellait un cheval harmonieux et de haute taille nommé Le Caravage. Elle le conduisait au manège. Bartabas, grand écuyer, apparaissait. Je lui disais « Bonjour », ce qui était ma deuxième parole. Pendant une demi-heure, sans échanger un mot, j’étais admis à la cérémonie intime qu’est le travail de Bartabas avec Le Caravage sur les figures équestres codées ou inventées. J’étais témoin d’une conversation silencieuse entre deux corps, dont l’un pèse huit cents kilos. En fin de séance, je disais « Merci » à Bartabas. Je suivais la palefrenière jusqu’à l’écurie où elle était aux petits soins pour Le Caravage. Un autre « Merci » vers elle avant de retourner au métro. J’avais prononcé quatre mots. Plus n’était pas nécessaire pour tisser le lien entre l’écuyer, le cheval et le filmeur."
A force d'observation, Alain Cavalier est tombé amoureux du cheval Caravage au moment de sa maladie grave où il perdit cent kilos : "Plus tard, la preuve royale d’un échange d’amour m’a été donnée, un matin. Ébahi, heureux, je l’ai filmée ; elle vous est montrée dans le film. Le Caravage partait régulièrement en tournée dans les grandes capitales du monde. Il s’illustrait dans les spectacles orchestrés par Bartabas et pendant ce temps là, je l’attendais à Paris."
Alain Cavalier a eu la tentation d’introduire l’image de sa mère et du cheval Bijou que son père lui avait offert, enfant : "Elle en parlait encore avant sa mort à cent deux ans. Je voulais suggérer cette époque où le cheval- moteur commençait à couper les attaches si anciennes entre l’homme et son partenaire de plaisir, de labeur et de guerre. Il aurait fallu des mots, encore des mots… alors que Bartabas et Le Caravage n’échangent que des respirations, des pressions, des bruits de bouche qui sont messages subtils et toujours bien reçus. Y a-t-il, là, une couleur érotique ? Un zeste de mystique ? Si vous le désirez, c’est possible. En tout cas, chez Bartabas, il y a un goût de s’approcher d’une certaine perfection dans l’harmonie des corps qui entraîne joie de l’esprit."
Même après le tournage, Alain Cavalier continue de se rendre au Fort d’Aubervilliers pour y filmer Cavarage et discuter avec Bartabas.
La relation entre un cheval et son cavalier est une thématique très cinématographique, qu'il s'agisse de documentaires et surtout de fictions. Ainsi, parmi les nombreux métrages qui la traitent, nous pouvons citer les récents En équilibre, Jappeloup, Cheval de guerre ou encore Sport de filles.