Le scénario de Shangaï Belleville a été en premier lieu sélectionné à de multiples marchés de co-production dont celui du festival de Cannes, au sein de l’Atelier de la Cinéfondation. Ce lieu de rencontre choisit quinze projets chaque année et met en relation l’auteur avec des professionnels de différents secteurs, dont la production.
Show-Chun Lee, documentariste taïwanaise, s'est intéressée à la communauté chinoise de Paris, ses espoirs et ses déceptions. Un univers qu’elle a étudié durant ses études et sur lequel elle a penché un regard documentaire avec Une jeune fille est arrivée et Ma vie est mon vidéo-clip préféré. Très engagée, l’artiste a aussi signé des reportages sur l’esclavage moderne pour l’ONU.
L’aspect métissé et bouillonnant du film ne provient pas uniquement de son contexte social. Show-Chun Lee a récolté dans de multiples carnets des observations pouvant donner lieu à des histoires, appliquant une méthode similaire à l'anthropologie, domaine qu'elle avait étudié plus jeune. Elle a ainsi mis "en perspective" le fruit de ses recherches "avec le thème de l’Autre", notamment en tirant de son matériel un conte. Cette forme d'expression lui parait à son goût trop peu utilisée dans le cinéma français.
Au contraire de ses documentaires précédents plongeant sans concession dans le quotidien des clandestins, Shangaï Belleville est donc entrevu comme un conte par Show-Chun Lee. Au lieu d'utiliser des longs-métrages comme références, la cinéaste a conseillé à son directeur de la photographie, Thierry Arbogast, des vidéos d'Art contemporain. En raison de la peur ressentie par la communauté chinoise et le fait qu'une proximité très forte s'était établie entre elle et ses habitants au fil des années, la cinéaste n'a pu introduire de caméra au sein des foyers, l'éloignant un peu plus du documentaire.
Ayant elle-même conduit des castings sauvages pour d'autres lorsqu'elle était assistante réalisatrice, Show-Chun Lee a privilégié ici aussi cette méthode qui se décompose en plusieurs étapes : dénicher le physique de l'acteur, connaitre en profondeur son histoire personnelle avant de lui faire passer une audition. Ainsi, Carole Lo interprète une prostituée alors qu'elle étudie le milieu de la prostitution en qualité de journaliste depuis des années. Martial Wang eut une existence proche du personnage qu'il incarne, en plus d'avoir un "physique impressionnant", selon la réalisatrice.
La portée fantastique du film au sein d’un univers réellement existant a une explication selon Show-Chun Lee. Les sans-papiers font figure de fantômes parce que, selon la réalisatrice, "on marche à côté d’eux, mais ils sont dans un monde parallèle. On ne les voit pas ou on préfère les ignorer". Cette figure surgissante se fraie même une place jusque dans la construction du récit, qui est non-linéaire. Peut-être là aussi parce que "la linéarité n’est pas non plus le propre des clandestins", comme l'explique la cinéaste.