A l'origine, Kleber Mendonça Filho voulait faire un film sur le goût de conserver des objets ainsi que sur la divergence entre les documents et les souvenirs. "Il m’a semblé intéressant d’avoir comme protagonistes une personne et un immeuble ayant tous les deux à peu près le même âge et se trouvant d’une certaine manière menacés", confie-t-il, en expliquant également qu'Aquarius est né d’une série d’événements, dont un assez banal, à savoir un flot d'appels publicitaires reçus chez lui : "Cartes de crédit, mutuelles, abonnements télé ou presse. Je l’ai ressenti comme une attaque du marché, pour forcer les gens à acheter ce qu’ils ne désirent pas."
Dans son film précédent, Les Bruits de récife, Kleber Mendonça Filho s'attachait déjà à la construction d’un microcosme complexe, avec les différentes relations d’affect et de pouvoir qui l’habitent. Le réalisateur note : "Je pense qu’on ne peut pas représenter la vie et les actions quotidiennes sans mettre en lumière leurs contradictions, qui peuvent être intéressantes, drolatiques ou sinistres. En fait, dans l’écriture de mes films, il m’est difficile d’ignorer ces aspects de la société, et notamment de la société brésilienne. Aussi, ai-je toujours été frappé par les contradictions idéologiques des Brésiliens issus des classes sociales aisées : ils peuvent avoir une posture aristocratique et en même temps soutenir l’abolitionnisme et des valeurs de gauche… En somme, mon défi est de chercher à représenter cette société dans sa complexité."
Sonia Braga campe Clara. Durant l'écriture, Kleber Mendonça Filho n'avait pas l'actrice en tête mais envisageait de découvrir une femme inconnue qui puisse jouer ce personnage. C'est au moment où il allait se lancer dans la production que le co-directeur de la photographie Pedro Sotero lui a suggéré Sonia Braga. "Alors Marcelo Caetano, notre directeur de casting, a envoyé le scénario à Sonia aux États-Unis. Elle a répondu sous 48 heures en signalant qu’elle voulait faire le film. Je suis allé à New York faire sa connaissance, et je l’ai adorée. L’une des plus belles choses dans tout ça, c’est que Sonia faisait déjà partie de ma vie, comme c’est souvent le cas avec les grands artistes, et elle est devenue une collaboratrice, puis une amie aussi", se souvient le metteur en scène.
Aquarius possède quelques éléments du cinéma fantastique, notamment via des scènes qui suggèrent un fort sentiment de peur (une peur mystérieuse). Kleber Mendonça Filho voit son film comme appartenant au « siege movie » (films autour d’un état de siège). Le cinéaste développe cette idée :
"Le bâtiment est constamment violé et l’appartement, la partie plus intime de cet univers, subit des menaces. Les fenêtres ouvertes dégagent aussi ce sentiment-là, car il s’agit d’un élément classique à mes yeux, celui de l’extérieur/intérieur. Et il y aussi le fait malheureux qu’au Brésil les fenêtres ouvertes nous rappellent cette pratique sociale établie qui consiste à mettre des clôtures sur toutes les fenêtres, à n’importe quel étage, pour éviter toutes sortes d’effractions. Je pense donc que tous les éléments du film sont ordinaires, courants, mais il y a sans doute quelque chose dans le cadrage et dans le découpage qui renforce ce ton fantastique apparent."
Le titre du film est le nom de l’immeuble, renforçant ainsi l’idée que le lieu de l’action est le point d’ancrage du récit. Kleber Mendonça Filho voit l'immeuble comme un personnage et son défi était de le présenter subtilement, comme ayant une certaine dignité : un immeuble un peu plus ancien, mais déjà condamné. Le cinéaste poursuit :
"Il était important qu’il n’ait pas l’air décadent ou précaire, c’est-à-dire qu’il soit un accusé innocent, et que ce soit clair dans le film que ses problèmes venaient du dehors et non pas de l’intérieur, de sa structure. Aussi, dans une sorte de jeu avec le spectateur, fallait-il montrer l’appartement de Clara d’une façon suffisamment précise pour qu’en voyant le film on soit capable de dessiner le plan de l’appartement sur un bout de papier, l’utilisation d’un vrai appartement pour le tournage m’a beaucoup fait réfléchir à l’espace lui-même et à ses contraintes. Car les besoins d’un film, comme les angles de prise de vue et l’emploi des fenêtres et des portes, ouvrent une série de difficultés concrètes qui nous révèle des idées nouvelles sur l’espace réel et sur l’espace cinématographique."