Avec Victoria, Justine Triet a voulu faire le portrait d’une femme qu’on découvrirait progressivement, par différentes strates, et dont les problèmes sexuels seraient engloutis par d’autres choses : le procès de son ami, le harcèlement de son ex, etc. Elle confie : "Ce n’est pas une pauvre petite oie blanche ou l’histoire de sa chronique amoureuse. C’est le récit d’une femme complexe prise dans une spirale émotionnelle que sa situation professionnelle fait imploser. La contamination de l’intime par le travail traverse le film. L’ambition c’était de raconter tout ça : ce qui la fait chuter, ce qui la fait renaître."
Victoria, qui a ouvert la Semaine de la critique au festival de Cannes 2016, est le second long métrage de Justine Triet après La Bataille de Solferino (qui avait été présenté à l'ACID à Cannes en 2013). La cinéaste définit son nouveau film comme une comédie "désespérée" sur la vie chaotique d’une femme contemporaine.
Les références de Justine Triet pour Victoria se situent du côté de la comédie américaine, comme certains films de Howard Hawks, Billy Wilder, Blake Edwards, Woody Allen et James L. Brooks. La réalisatrice évoque aussi Sacha Guitry comme source d'inspiration en ce qui concerne le mélange de rapport social violent et de séduction entre le domestique et sa patronne. Enfin, les séries comiques Silicon Valley et Mom font également partie de ses modèles.
Dans Victoria, il y a plusieurs clins d’oeil à Autopsie d'un meurtre d'Otto Preminger, comme le petit chien à la barre et la petite culotte. Grâce aux animaux, Justine Triet explique s'être éloignée de façon assez évidente du film de procès ultra réaliste :
"Je suis partie d’un fait-divers : celui d’une femme qui a été retrouvée pendue et de tests pratiqués sur son dalmatien pour évaluer comment il réagissait à l’odeur de ses proches accusés. Cette histoire m’a aidée à éloigner Victoria de toute affaire de moeurs un peu glauque. Et lorsqu’on la voit en pleine plaidoirie, dans un état second, proche de l’évanouissement, en train de décrédibiliser la parole d’un chien… le rire surgit de l’absurde qui côtoie le réel. J’aimais également l’idée que Victoria ne soit pas qu’une victime. Son ambition d’avocate m’a permis de distiller chez elle une forme de cynisme propre à la profession que j’ai approchée pendant l’écriture du scénario en glanant de nombreux témoignages auprès d’avocats."
Victoria parle beaucoup de sexualité sans rien montrer et développe une satire du couple et des relations sexuelles. Justine Triet développe : "Il y a Vincent qui a des problèmes sexuels avec sa copine qui l’accuse, David qui révèle dans son blog la vie sexuelle passée de Victoria, Victoria qui consulte une voyante et des médecins qui l’encouragent à renouer avec le sexe. Et lorsqu’elle essaie, chacune de ses rencontres est à chaque fois plus désolante. Ça entraîne des scènes de comédie pure où plane une très grande solitude des corps. Finalement, ce qui reste étrange, mystérieux et désirable, c’est ce qui est encore caché, prudent et presque vierge : Sam."
Justine Triet a choisi Virginie Efira pour camper le rôle-titre après avoir vu la comédie romantique 20 ans d'écart dans laquelle l'actrice tombe amoureuse de Pierre Niney, mais surtout l’émission "Rendez-vous en terre inconnue" où elle se rendait en Mongolie.
Si La Bataille de Solférino avait une durée de tournage de 24 jours, Victoria en a nécessité le double et a été tourné majoritairement en studio. Sur ce second long métrage, Justine Triet confie aussi avoir eu plus de liberté au niveau de l’image (puisque moins tributaire des conditions de tournage, La Bataille de Solférino ayant été filmé en extérieur le jour même des résultats des élections présidentielles de 2012). L'une des autres différences entre les tournages de ces deux films provient du fait que, sur le second, elle ne connaissait pas les acteurs, alors que sur le premier il s'agissait de proches. Enfin, Victoria est un film avec un scénario beaucoup plus écrit que celui de La Bataille de Solférino.