Si vous ambitionnez de devenir célèbre, priez pour vivre assez vieux pour que Pablo Larrain n'ait pas le temps de s'en prendre à votre personne. Car, ses "héros", il les rend: 1) antipathiques; 2) incompréhensibles.
Sur Neruda, passe encore que l'on brode. Le personnage devait avoir bien des côtés extravagants. Mais Jacqueline Kennedy? Petite bourgeoise extrêmement riche et gâtée; première dame dépensière mais aussi immédiatement, publiquement, effrontément trompée; puis témoin de l'assassinat de son mari.... avant de ruiner définitivement son image en devenant l'épouse d'un vieux grec aussi vulgaire que richissime. S'il y a bien un épisode stupéfiant -c'est celui là.
Natalie Portman est ravissante mais je n'ai jamais retrouvé la Jacqueline de l'histoire. Surjouant la niaise lorsque, jeune mariée, elle fait visiter la Maison Blanche à une équipe de télévision, puis exagérément énervée -Natalie Portman est complètement à côté de la plaque.
Ce fouillis -car c'est comme d'habitude un patchwork de moments sans articulation: l'interview donnée quelques temps après les obsèques à un journaliste (Billy Crudup); l'émission télévisée en question; l'entretien avec un prêtre avant le transfert des corps des enfants morts à Arligton -émouvant car c'est manifestement le dernier rôle du grand John Hurt! et enfin, tout ce qui se passe en coulisse durant ces quatre jours, sur lesquels en réalité il n'a pas du fuiter grand chose, sauf bien entendu la phrase terrible prononcée par Jackie pour justifier de ne pas changer, tout au long de la journée, le tailleur façon Chanel ensanglanté "Ils faut qu'ils voient ce qu'ils ont fait"; l'empressement des Johnson (John Caroll Lynch et Beth Grant) à ce que la prestation de serment s'accomplisse fissa fissa; et l'omniprésence de Bobby (Peter Sarsgaard), responsable, protecteur, réconfortant.
Elle veut des funérailles grandioses. Une procession dans les rues de Washington, malgré les risques, le cercueil tiré par huit chevaux blancs, un cheval noir en tête comme pour les funérailles d'Abraham Lincoln.... (le pauvre John avait déjà du mal à rester assis sur une chaise, alors sur un cheval.... ), pourquoi? Pour lui, dit elle, pour la mémoire de ce grand homme -ou bien pour montrer au monde entier comme elle est digne, comme elle est forte? Enfin, elle court les cimetières militaires pour choisir le meilleur emplacement; elle commande, elle exige, elle change d'avis, elle épuise même Bobby.
On l'entend aussi beaucoup craindre de manquer. Manquer d'argent, manquer de maison... D'où peut bien lui venir cette crainte? Comme si les Kennedy allaient la laisser dans la misère...
On la voit aussi essayer des robes, des bijoux dans les appartements déserts.... Et enfin, il y a un rappel assez ridicule à la comédie musicale Camelot, qui était parait-il la musique préférée de Kennedy, et qui revient avec insistance à la fin -fin où d'ailleurs, de "fausses fins" successives s'empilent, on se demande comment cela va finir.
Bref, Larrain a beaucoup imaginé, beaucoup élucubré -on n'est pas convaincus.
On n'est pas convaincus.