L'Amérique a tout le temps cherché à se trouver des héros et le cinéma lui a donné l'occasion de les glorifier encore plus. Une fois n'est pas coutume, c'est un chilien, Pablo Larrain, également présent avec Neruda en ce début d'année, qui a décidé de rendre hommage à un héros américain, en l'occurrence ici une héroïne: Jackie Kennedy. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat final est maladroit. Et pourtant, tout aurait pu être brillant si dans le fond, Larrain ne s'était pas emmêlé les pinceaux. Le scénario est pourtant solide et malin, retraçant les quelques jours qui ont suivi la mort de John F. Kennedy à travers le point de vue de sa veuve Jackie Kennedy qui se livre au prix Pulitzer 1962, Theodore H. White, une semaine seulement après le drame. Oui mais voilà, vouloir faire de Jackie un mythe en mettant en scène quatre petits jours de sa vie, certes pas n'importe quels jours, n'aide pas le spectateur à se représenter la grandeur que le personnage pouvait avoir. Tout ici n'est qu'une question de deuil, de lutte contre l'oubli et de résilience et si le réalisateur voulait réellement rendre hommage à Jackie, ce n'est que par le nom du film. La seule qui rend hommage ici à l'ancienne Première Dame n'est autre que Natalie Portman, auteure d'une très belle interprétation. Cette dernière réussit à se fondre dans la peau de Jackie et se distingue aussi bien en femme forte qu'en femme fragile, parvenant à jongler à travers les différentes émotions de son personnage qui tient absolument à rendre un grand hommage à son défunt mari pour laisser un héritage indélébile dans l'histoire de son pays. Néanmoins, l'actrice n'impressionne pas autant que dans Black Swan, pour lequel elle avait été oscarisée en 2011 tout simplement parce qu'elle n'échappe pas au sur-jeu, symptôme typique de ce genre de performances demandant un certain nombre de mimiques pour représenter au mieux un personnage historique. Aussi, elle se retrouve bloquée par le fait qu'elle doit se contenter d'interpréter Jackie par rapport à quelques jours de sa vie, les plus durs et les plus importants, les plus tristes aussi, en 1h40, devant exagérer la tristesse de celle-ci quitte à devoir liquider nombre de cigarettes et de verres d'alcool pour mieux représenter le mal-être de l'endeuillée: alerte aux clichés ! Dans le genre "film sur le deuil", Manchester-by-the-Sea surpasse Jackie...sans cigarettes ni alcool. On finit même par garder une image antipathique du personnage. Et si l'Academy Awards adore, la diction de Portman dans le film atteint parfois la limite du supportable. Donc non, ce n'est pas la meilleure performance de l'actrice, non, ce n'est pas un cabotinage, et oui, celle-ci n'arrive pas à nous subjuguer comme Emma Stone, sa principale concurrente avec Isabelle Huppert aux prochains Oscars, a pu le faire dans La La Land.
Jackie n'en reste pas moins un film correct grâce à un travail technique tout à fait louable. La reconstitution d'époque est absolument magnifique et représente la force du film à travers ces images réelles dans lesquelles les acteurs ont été intégrés, ce travail sublime de Madeleine Fontaine pour les costumes ou bien ces décors qui accompagnent des scènes relativement bien filmées par Larrain qui, s'il patauge sur le fond, fait preuve d'une belle patte sur la forme. On regrettera juste la façon très simpliste dont il filme les dialogues entre Natalie Portman et Billy Crudup qui incarne le journaliste avec justesse. Il est vrai qu'on ne peut pas reprocher grand chose à un casting investi, notamment Greta Gerwig, qui confirme son talent sous les traits de Nancy Tuckerman, Peter Sasgaard, en Robert Kennedy, et donc Billy Crudup. Le film parvient parfaitement à s'appuyer sur ses seconds rôles et c'est une belle surprise de voir qu'il n'a pas compté que sur Portman. Mais en revanche il a fait une grosse faute de goût en ce qui concerne la musique de Mica Levi, étonnamment nommé aux Oscars au détriment de travaux supérieurs tels que Nocturnal Animals et Hell or High Water. Celle-ci s'avère très encombrante, notamment son thème principal qui revient trois fois dans le film et qui s'avère être assez hideux, il n'y a pas d'autre mot. On a connu une (bien) meilleure utilisation dans un film pour des violons. Le rythme de cette partition est d'une lenteur assommante, entrecoupant les notes d'un silence pesant, et finit par devenir un somnifère aussi puissant qu'assourdissant qui achève le spectateur.
Au final, on ressort de Jackie au pire assommé de fatigue, au mieux indifférent. L'inégalité et l'irrégularité dont il fait preuve nous laissent sur notre faim et nous déçoivent. C'est tout juste une mention passable pour un film décevant sur son hommage maniéré et académique qui s'est trompé d'histoire à raconter et qui s'en sort seulement par un réalisme sidérant obtenu grâce à son travail de reconstitution, un réalisme seulement cru et non éblouissant. On attendait mieux, beaucoup mieux au vu de l'ambition de ce "biopic".