Fort Buchanan possède des résonnances autobiographiques pour le réalisateur, Benjamin Crotty, qui a vécu durant son enfance aux Etats-Unis, plus précisément à Spokane, dans l'Etat de Washington. Raconter le quotidien de personnes vivant sur une base militaire alors qu'un membre de leur famille est parti à la guerre, tel était le postulat de départ du cinéaste qui a fait appel à ses souvenirs d'enfance : "L'inspiration de ce film est en partie biographique. Il y avait près de chez moi, à Spokane, dans l'Etat de Washington, une grande base militaire de la U.S. Air Force, où mes parents m'ont parfois emmené. Ce lieu m'a beaucoup marqué, avec son école et son hôpital, ses magasins qui vendaient les produits les moins chers, subventionnés par l'Etat, ses maisons modestes toutes identiques destinées aux soldats et leurs familles. Il n'y avait ni riches ni pauvres sur la base : tout était standard. De mon regard d'enfant, baignant dans le principe idéologique de l'individualisme américain (c'était encore l'époque de la Guerre Froide), tout cela paraissait bien étrange. C'était un monde à part, coupé du reste de la société."
Fort Buchanan est le premier long-métrage de Benjamin Crotty. Auparavant, le réalisateur s'était surtout illustré dans la mise en scène de plusieurs courts-métrages, ce qui lui avait déjà permis de se faire un nom dans différents festivals de cinéma.
Bien qu'inspiré par ses souvenirs américains, Benjamin Crotty n'a pas tourné Fort Buchanan aux Etats-Unis mais en France dans la Meuse et en Tunisie, à Nefta. Le choix de ces deux lieux de tournage vient du fait que le cinéaste s'est notamment inspiré des travaux de la designer Matali Crasset qui a réalisé des oeuvres architecturales à ces endroits précis : "J'ai par ailleurs imaginé ce projet en le tissant autour du travail architectural de la designer Matali Crasset. Cette inspiration, déterminante dans la définition du film, m'a amené à ses éco-cabines visionnaires installées dans la Meuse et en Tunisie. Et plus précisément à l'hôtel Dar Hi de Nefta."
Le film est décomposé en quatre parties correspondant chacune à une saison de l'année. Benjamin Crotty souhaitait faire ici un découpage particulier déjà utilisé à plusieurs reprises dans l'histoire de l'art que ce soit dans le cinéma d'Eric Rohmer ou dans les peintures de Bruegel. Pour le réalisateur, ce type de procédé permet de jouer avec les différentes tonalités associées aux différentes périodes de l'année, avec un aspect joyeux pour le printemps et l'été et un ton davantage mélancolique pour l'automne et l'hiver.
Pétri de culture américaine, Benjamin Crotty n'en reste pas moins imprégné de traditions françaises puisqu'il vit en France depuis douze ans. Mélanger des influences américaines et françaises était l'un de ses postulats de départ comme il l'explique :"Alors que les opinions des personnages et leur façon de les exprimer proviennent directement de la télévision américaine, l'univers esthétique (la langue parlée, le cadrage formel des images, et le rythme du montage) appartient à une culture cinématographique opposée, où prédomine le regard singulier de l'auteur. La transposition d'une situation narrative "américaine" dans un contexte esthétique "français" crée je crois une certaine tension au sein du film."
Fortement influencé par le cinéma d'auteur français, notamment celui d'Eric Rohmer, Benjamin Crotty a fait appel à différents jeunes acteurs s'étant illustrés ces dernières années dans les films de réalisateurs exigeants. Il a ainsi confié le rôle principal de son film à Andy Gillet, l'interprète de Céladon dans Les Amours d'Astrée et de Céladon qui fut le dernier film réalisé par Eric Rohmer. Au casting de Fort Buchanan, on retrouve également Iliana Zabeth, l'une des muses de Bertrand Bonello ainsi que Mati Diop, jeune comédienne notamment vue dans 35 Rhums de Claire Denis.
Fort Buchanan est un film qui a déjà connu une certaine exposition dans différents festivals de cinéma internationaux où il fut montré, comme celui de Locarno, Rotterdam ou La Roche-Sur-Yon. Citons également sa présence lors de la dernière édition de la Biennale de l'image en mouvement au Centre d'art contemporain de Genève.