Naël Marandin a passé beaucoup de temps en Chine et c'est en rentrant en France qu'il a voulu garder un lien avec ce pays qui le fascine. C'est ainsi qu'à Belleville, son quartier parisien, le metteur en scène a travaillé avec des associations chinoises. Il est par ailleurs depuis 2008 volontaire pour une mission de Médecins du Monde qui oeuvre auprès de femmes chinoises qui se prostituent.
Les prostituées chinoises sont environ 1 300 à Paris dont 500 à Belleville. Dans leur immense majorité, ces femmes sont venues de leur plein gré sans avoir eu recours à des passeurs. A la recherche d’une vie meilleure, elles ont souvent laissé derrière elles une famille. Naël Marandin en a par exemple rencontré une qui était médecin en Chine, une autre chanteuse d’opéra. En France, elles découvrent combien il est difficile de trouver un emploi et c'est là que des femmes sont susceptibles de glisser dans la prostitution. Enfin, contrairement à beaucoup d’idées reçues, leur activité n’est pas soumise à des proxénètes ou autres mafias chinoises.
Via Médecins du Monde, Naël Marandin a passé beaucoup de temps avec des prostituées chinoises à Paris, que ce soit dans des moments joyeux (des anniversaires, des fêtes, etc.) ou tragiques (au tribunal lorsqu'elles sont victimes de violences, etc.). Ce travail bénévole lui a permis de nourrir l'écriture de son scénario et ainsi aboutir à un résultat le plus authentique possible.
Toujours dans un désir de réalisme, Naël Marandin a voulu tourner son film avec des personnages parlant mandarin, plus précisément celui du Dongbei, d’où viennent la plupart des prostituées de Belleville. De même, le tournage s'est fait dans la rue sans bloquer la circulation et en laissant vivre le quartier autour.
Avant le filmage, Naël Marandin est allé voir les prostituées qu'il connait à Belleville et leur a expliqué son projet pour ne pas les inquiéter au moment du tournage. Elles ont ainsi été des spectatrices et sont venues parfois donner des conseils à la comédienne Qiu Lan.
Pendant le tournage, lors d'une scène de descente de police, ce sont de vrais policiers qui sont venus jouer en dehors de leurs heures de service. Entre les prises, ils discutaient avec les prostituées qui assistaient au tournage. Le temps d’une après-midi, une trêve a ainsi été instaurée entre policiers et prostituées.
Naël Marandin collabore à nouveau avec son directeur de la photo attitré Colin Houben. Pour l'image de La Marcheuse, ils ont choisi des vieilles optiques russes qui ont été ajustées à la caméra digitale dans le but de donner au film une image imparfaite avec des flous aléatoires. Cet effet a aussi été renforcé par une machine à fumée. Tout cela dans le but d'éviter de faire "trop vrai" à la manière d'un documentaire. Même s'il est réaliste, La Marcheuse reste une fiction.
Pour camper la marcheuse Lin Aiyu qui endure tout mais se relève toujours, Naël Marandin cherchait lors du casting une femme à la quarantaine dont la beauté vienne de sa détermination. Avec la directrice de casting Annette Trumel, le réalisateur a prospecté pendant des mois par le biais des journaux chinois diffusés en France et d’associations communautaires. Ils ont aussi auditionné plusieurs prostituées à Belleville. Lin Aiyu fut finalement trouvée en la personne de Qiu Lan qui a, à l'origine, suivi une formation de danse classique à Pekin avant de venir en France avec son mari français en 2003.
Avec Naël Marandin, Qiu Lan s'est rendue sur le bus de Médecins du Monde et a passé des soirées à discuter avec des femmes qui se prostituent. Elles lui ont raconté leur quotidien, enseigné leurs techniques avec les clients et leur argot bien à elles.
Pour Naël Marandin, La Marcheuse n’est pas un film sur la prostitution mais un film où la prostitution est un cadre lui permettant de construire un récit centré sur des interrogations liées au pouvoir et à la domination.