Quand on connait le livre le Paula Hawkins et sa structure : changement de narratrice (donc de point de vue) à chaque chapitre, alternance du passé et du présent, on se dit que c’était une vraie gageure de retranscrire cela à l’écran sans que cela ne fasse un peu confus. En fait « La fille du train » est une adaptation très fidèle du livre et le scénario ne prend que quelques libertés, ces quelques libertés n’étant pas forcément toujours très pertinentes d’ailleurs. Le livre de Hawkins se déroule en plein été, sous une chaleur anglaise écrasante ce qui ajoute à l’atmosphère étouffante du thriller. Ici, on est à New York en automne, la photographie est grise, le temps est maussade de bout en bout, comme pour accentuer encore un peu plus le caractère dépressif de Rachel, sauf que ça n’était pas vraiment nécessaire. Le scénario fait de son mieux pour multiplier les fausses pistes, comme tout bon thriller qui se respecte. Evidemment cela n’a pas fonctionné sur moi mais j’imagine que pour quelqu’un qui ne connaitrait rien d’avance, on peut se poser plein de questions sur les raisons de la disparition inquiétante de Megan. Ce dont je peux juger en revanche,
c’est que le film donne une vision assez juste de ce qu’est un pervers narcissique. Je ne dirais pas de quel personnage il s’agit bien entendu mais la démonstration de sa psychologie, de son pouvoir de manipulation et de destruction est assez implacable et fait froid dans le dos
. Peut-être un peu difficile à suivre dans son premier quart d’heure à cause de la complexité des liens qui lient les personnages ainsi que des nombreux flash back (pas toujours très bien amenés et parfois un peu trop courts pour qu’on comprenne bien les enjeux), le scénario se fluidifie rapidement pour culminer dans une scène finale violente et éprouvante, peut-être même un poil complaisante point de vue violence. « La fille du train », c’est aussi et surtout le portrait d’une femme à la dérive, minée par des problèmes d’alcool qui cherche désespérément à se raccrocher à quelque chose pour sortir la tête de l’eau. Elle ne cherche pas à reconquérir son ex, ni à trouver un nouveau job, elle se raccroche comme une bouée à la vie d’un couple qu’elle a bêtement idéalisé : elle regarde vers son passé perdu au lieu de regarder vers un avenir, quel qu’il soit. C’est là aussi une démonstration assez brutale mais réaliste de ce qu’est la dépression, quand on y réfléchi un peu. Le scénario ne manque donc pas de qualités, malgré parfois une certaine confusion et quelques facilités. « La fille du train » est réalisé par Tate Taylor qui s’emploie à faire de son mieux. La photographie automnale, même si on peut discuter de sa pertinence, est parfaitement entretenue de bout en bout. La musique est plutôt bien placée, pas entêtante, pas omniprésente même à la fin alors que l’action devient plus intense. Evidemment, si certains plans sont intéressants (utilisation d’arrière-plan inquiétant alors que le personnage au premier plan à le dos tourné), Tate Taylor ne fait pas preuve d’une créativité échevelée lorsqu’il s’agit de filmer des scènes d’ivresses, d’hallucinations ou de souvenirs confus : fondus au noir, utilisation du flou, etc… Que du très classique, mais on ne lui en tiendra pas trop rigueur, vu que cela fonctionne plutôt bien. Pour finir, le casting est assez pertinent et tout le monde, de Justin Theroux à Luke Evans pour les premiers rôles, d’Allison Jeannet à Lisa Kudrow pour les rôles plus anecdotiques. Mais je veux souligner deux choses. Dans le rôle de Megan, Haley Bennet est très bien mais un poil trop lisse à mon gout. Sa Megan manque d’aspérité et
elle n’a pas le côté vénéneux que son rôle aurait mérité. Megan, c’est une plante carnivore dans le roman, dans le film elle fait un peu plus « fleur sauvage » que « plante carnivore ».
La vraie performance de « La fille du train » est évidemment pour Emily Blunt. Le rôle de Rachel est difficile, elle est enlaidie, pathétique et en souffrance pendant 90% du film, elle aurait pu rendre son personnage exaspérant à force de larmoyer. Mais Blunt lui donne une vraie profondeur qui la rend finalement attachante, alors que ce n’était pas du tout gagné d’avance. Très bon point pour elle et pour sa carrière. « La fille du train » est un thriller honnête et relativement efficace, fidèle à son livre éponyme et qui peut se targuer malgré ses faiblesses d’une certaine profondeur en matière de psychologie.