Le film le plus important, le plus intelligent, le plus passionnant, le plus difficile de ces derniers mois. Ah, un prix comme ça à Cannes, ça aurait eu de la gueule!
Trois parties, trois actes dont deux se déroulent en simultané. Une unité en Afghanistan, dirigée par le commandant Claus Pedersen (Pilou Asbaeck, excellent; le sosie d'Ewan McGregor avec un petit poil de Matt Damon, qu'on aurait aussi bien vu dans le rôle!). Les talibans un peu partout, le danger, la peur qui rode, rarement cela aura été montré avec autant de force, même si autour de "Démineurs", il y a eu des films efficaces sur ce type d'action militaire. La première scène, la mort en direct d'un jeune soldat qui a sauté sur une mine est particulièrement éprouvante.
En parallèle, c'est la vie de son épouse, Maria (Tuva Novotny) qui gère vaillamment sa maisonnée de trois jeunes enfants (en gros: dix, six et trois ans) avec un numéro deux plutôt difficile, qui supporte mal l'absence paternelle.
Un couple avec deux petits enfants, persécuté par les talibans, vient demander de l'aide aux militaires. On les renvoie, en leur promettant de revenir le lendemain pour sécuriser le village. Le lendemain ils ont été massacrés, et le petit groupe se trouve pris dans un épouvantable guet-apens, un déluge de grenades; Claus demande le soutien de l'aviation qui bombarde un secteur désigné.
Hélas, dans le secteur, une famille de civils, onze personnes, a été tuée. Et la troisième partie, c'est le procès que Claus revenu au Danemark va endurer. Il lui est reproché de ne pas s'être assuré que le secteur était bien aux mains des talibans, et non habité par des civils. Ce procès est passionnant, parce qu'il remue toutes les questions que l'on se pose sur la guerre au Moyen Orient; le sens ou le non-sens de l'engagement de troupes au sol; l'impossibilité d'action lorsque les terroristes sont insérés dans la population civile, que celle ci soit complice ou victime (apparemment, les troupes US ont beaucoup moins d'états d'âme vis à vis des "dommages collatéraux"....); et plus généralement, cette imposture qu'il y a à vouloir croire qu'il peut y avoir des guerres "propres", genre "messieurs les talibans, tirez les premiers" et des guerres "sales". L'impossibilité aussi qu'il y a pour ces bien-pensants confortablement assis dans leurs fauteuils rouges, à comprendre ce que ressentent les gens sur le terrain. La règle militaire est simple: ne déclencher le feu qu'en cas de certitude (par identification directe) de présence ennemie; en pratique -tu parles!!
On peut d'ailleurs se demander si le bombardement de Nagasaki ou celui de Dresde rentraient dans la catégorie "guerre propre" ou "guerre sale"....
En tous cas, qu'il soit innocenté ou déclaré coupable, Claus portera toute sa vie ce qui a peut être été une erreur de jugement, dans un moment trop dur, et le souvenir des photos de tous ces petits enfants morts....
A voir absolument, parce que ce films fait réfléchir, même si on peut considérer que, dans le déroulé du procès, Tobias Lindholm aligne ses pions d'une façon un poil scolaire....