Film coup de poing. J'avais bcp aimé le précédent film (époustouflant) de ce réalisateur danois Tobias Lindholm, "Hijacking" (sur une prise d'otage de pirates somaliens). Il frappe une nouvelle fois assez fort et de cette même manière où rien n'est si simple dans le monde réel (ni tout blanc ni tout noir), avec, cette fois-ci, le thème dérangeant des soldats risquant leur vie en d’Afghanistan, mais susceptibles également d'être accusés de tuer des civils. On retrouve 2 acteurs de Hijacking : Pilou Asbaek (commandant héros malgré lui de ce drame humain) et Søren Malling (avocat). Cet acteur (Pilou) est de nouveau formidable, pris dans un dilemme psychologique intense où il n'y a aucune (bonne) solution.
Tuva Novotny et Dar Salim (respectivement épouse et meilleur ami/second du héros) sont charismatiques également. Ce film traite, dans une 1ère partie âpre et violente, autant du terrain que du quotidien des femmes de soldat. Il y a donc d'autres "victimes" collatérales à la guerre : les épouses, mères et enfants, laissés à la maison, devant se bagarrer au quotidien pour garder la famille soudée et la tête hors de l'eau. Ce personnage de femme est bouleversant, courageuse dans un autre domaine, portant tout sur ses frêles épaules, y compris son mari jusqu'au tribunal.
La 2ème partie est celle du jugement du commandant, accusé de n'avoir pas respecté le code militaire pour sauver sa vie et celle de ses hommes. Comment voir ce tribunal constitués de professionnels du droit mais éloignés du terrain et de sa dure réalité ? Est-il moralisateur ? Humain ? Légal ? Comment rester digne et humain dans une guerre ? Le sujet pourrait sembler paradoxal s'il n'était concrètement envisagé par ce tribunal. La réalisation ne permet aucune prise de partie et c'est tout à son honneur. Au spectateur de trancher mais il est évident que vivre et ressentir le quotidien de ses hommes, leur bravoure, leurs sacrifices de la 1ère partie, ne laisse aucun doute sur le choix dans le "verdict" du public : on est pour ses soldats. On ne voit presque jamais ses civils afghans (sauf une famille qui demande l'aide mais qui finira sacrifiée par l'immobilisme des soldats, pris par leur règlement interne et missions). Comment alors créer de l'empathie pour ces 11 civils "tués" par la décision de bombardement du commandant ? C'est inhumain, triste...mais n'est-ce pas la guerre ? Tout le débat proposé par l'avocate adverse est justement d'y insuffler de la moralité, dans un acte qui n'en a pas ! C'est là que le film perturbe nos codes et petits conforts. Faire la guerre nécessiterait une certaine morale, même au seuil de sa mort (c'est clairement "moi ou eux") et le risque de rentrer chez soi plus en tant que bourreau et accusé, que héros (alors qu'il a clairement sauvé son unité et surtout l'un de ses soldats blessé). La scène finale est à l'image du reste de ce film : réflexif, intelligent, bien construit, à distance mais sans être froid, direct, glacial dans certains dialogues. Je recommande plus que vivement pour réfléchir à nos guerres (humaines) et ses conséquences sur chacun.