Un film très intéressant, très réussi et surtout très intelligent. C’est un qualificatif que l’on emploie pas souvent pour décrire un film, mais dans ce cas là c’est la première impression que l’on a en sortant de la salle. Par son scénario et par sa mise en scène Clément Cogitore nous apprend des choses , nous « élève », il touche à une corde sensible , il nous amène à réfléchir. En changeant d’angle d’approche à plusieurs reprises, il nous bouscule, et nous fait découvrir de nouvelles sensations. Le mystère qui entoure cette section de commandos ,perdue à la frontière afgano/pakistanaise , avec deux postes de guet faisant face aux talibans, les disparitions successives de soldats , puis de talibans, , cette entrée soudaine dans l’ irrationnel, l’intemporel, voir le magique, devient de plus en plus fascinant. Il y a ensuite la « réconciliation » de circonstance avec les talibans, pour la recherche d’un ennemi commun, la rancœur contre le village local qui se veut neutre, mais pourrait détenir la clef du mystère. Toute la symbolique autour d’une sourate du Coran, qui parle déjà d’une grotte secrète et de disparitions humaines. On s’y perd, on a le tournis, on est déstabilisé, mais captivé. A chaque étape Cogitore pousse plus loin la limite, et le capitaine Antares deviendra à son tour presque fou. Un des gros atouts du film c’est de savoir filmer la vie militaire comme peu de personne ne l’on fait. Il faut remonter au Schoendorffer de « La 317e section », ou du « Crabe tambour », ou alors au cultissime « Apocalypse Now », pour retrouver ce souffle d’une vraie vision de la vie militaire. La guerre tel qu’elle est, avec beaucoup d’attente , d ’incertitude et d’angoisse. Et non la guerre d’action Hollywoodienne où il se passe toujours plein de choses et plein de bagarres, tourné en mode "clip vidéo", ou pire, en mode « vidéo games ».. Et non la guerre c’est avant tout de l’attente, des temps mort et du stress. Ce qui génère parfois un peu de folie, vers la film du film, avec la dérive Rock& roll de certains soldats, on se rapproche alors d’ « Apocalypse Now » et du délire du colonel Kurtz. Les mêmes causes engendrant les mêmes effets. Les acteurs sont tous excellents et la palme revient absolument à Jérémie Renier, formidable, qui tient là son plus beau rôle. La bande son est aussi très réussie, avec un mélange de musique sacré et traditionnelle. La question qui nous taraude dans la dernière demi-heure est de savoir comment Clément Cogitore va s’en sortir, comment il va boucler sa boucle. Car on est en plein dans le fantastique, dans le mystique, dans l’invisible, avec une accumulation d’hypothèses. On a peur d’être déçu par une explication toute bête, ou trop pragmatique, ou trop irréaliste. Et le final très astucieux, avec une sorte d’ « ouverture » sur deux options. L’option fantastique/mystique , déclinée de la sourate du Coran , reste ouverte, possible , mais on n’en saura pas plus, ou alors une autre option induite par la « petite phrase » prononcée rapidement par le Colonel qui vient relevé Antares, nous offre un autre éclairage , découvrant une autre hypothèse , tout à fait nouvelle et surprenante, qui remet en question l’ensemble du récit, et le film se clôt ainsi . Au lieu de laisser ouvert béatement sans solution , ou au contraire de simplifier avec un solution évidente , Cogitore nous propose subtilement deux variantes, c’est un peu à chaque spectateur de voir comme il le ressent. Il n’y a pas probablement pas une vérité. C’est remarquable d’astuce et d’intelligence (encore une fois) . A noter l ‘Atlas marocain ( substitut à l’ Afghanistan) qui est magnifiquement filmé, et rajoute de la magie au film. Un film orignal et vraiment réussi. Par contre, il n’a pas eu la promotion méritée : en fin de 1ere semaine le film est déjà sorti des grands écrans !! Quel dommage, courrez vite dans les salles art et essai qui le tiennent encore en 2e semaine, vous ne serez pas déçu..