Au vu du pitch, je m'attendais à une sorte de Predator transposé en Afghanistan, mais à la française, donc sans doute un peu plus intello. J'avais envie d'aimer ce film, qui ose sortir des sentiers battus pour une production française. Las, passées les premières minutes, on commence à comprendre que le film n'a pas grand-chose à dire, et au bout d'un heure ça devient un supplice, jusqu'à la frustration finale.
Bon. D'autres y ont vu une fable métaphysique qui m'est passé au-dessus de la tête, ça peut arriver. Je ne m'étendrai pas sur l'indigence du scénario, d'autres l'ont fait plus brillamment. Comme je me suis ennuyé, j'ai commencé à regarder les détails. Et là, ça fait mal. J'ai lu dans les autres critiques que le film était "très bien documenté", avec "les vrais matériels utilisés par l'armée". Alors-là excusez-moi mais lol quoi.
Commençons par ce qui passe bien: les montagnes de l'Atlas font un Afghanistan plausible, le village est tout à fait comparable à ce qu'on peut trouver là-bas (passons sur la porte qu'un soldat pousse avec la main et qui s'effondre complètement, genre il vient de la défoncer, disons que la déco n'a pas eu le temps de préparer un enfoncement de porte réaliste). Les talibans sont plausibles, ils parlent (j'imagine) Afghan, le chef des méchants a la barbe teinte et les yeux maquillés au khôl, ce qui se fait chez les pachtounes, ça prouve un souci du détail bienvenu.
Côté français par contre... On commence sur un bunker sur une crête, avec un joli rouleau de barbelé posé au pied du mur... Le chef déco a du trouver que ça faisait joli, mais en fait les barbelés ça se met à plusieurs mètres des bâtiments pour avoir un intérêt défensif quelconque. Passons.
Nous avons donc une "section" commandée par un "capitaine", nous apprennent les dialogues. Moui. Une section compte au moins 30 hommes, là ils sont 10, c'est une escouade. Et même si c'était une section, elle serait commandée par un modeste lieutenant. Plus difficile à prononcer sans doute. Jérémie Rénier arrive à être crédible en capitaine, et c'était pas gagné. D'autant que tous ses hommes le tutoient, l'envoient chier, et qu'il se tape toute les corvées, il creuse des trous etc. Le scénariste (ou les nombreux "consultants scénarios" présents au générique) n'ont jamais du rencontrer d'officier dans la vraie vie... L'un de ces parachutistes (si j'en crois le béret rouge arboré en fin de film) porte même deux boucles d'oreille sur le même lobe... Dans la milice d'un chef de guerre somalien, why not. Dans l'armée française, même pas en rêve. D'ailleurs, sont-ils vraiment français? C'est à se demander, puisque la chef costumière s'est évertuée à faire endosser aux comédiens une très grande variété d'uniformes... américains. Marines, Army, Special Forces, tout y passe, mais pas un uniforme français à l'horizon, sauf pour la cérémonie de fin. Je veux bien que les règlements soient appliqués moins strictement dans une FOB (Forward Operating Base), mais il y a des limites. Ils portent tous un patch inconnu, mais qui n'est certainement pas français. Les bon patches ISAF/OTAN qu'ils auraient dû porter coûtent 5€ sur ebay hein...
Au niveau équipements, ils ont tous des gilets pare-balle dont on a soigneusement retiré les plaques ballistiques parce que ça devait être trop lourd pour les acteurs pfouuu. Il aurait fallu une heure à l'accessoiriste pour découper des plaques en mousse à insérer dans les gilets pour cacher la misère, mais apparemment c'est mieux que les soldats enfilent de grandes poches en nylon vides qui leur font plein de plis dans le dos. Devant, c'est pas mieux: pour faire joli, on leur a mis des micros Motorola probablement récupérés à la gendarmerie de Brive la Gaillarde, mais ils ne s'en servent jamais, préférant systématiquement extirper leur talkie de 3 kg de leur poche et le tenir à bout de bras. Les kits mains libres sont en service dans toutes les armées modernes depuis... 15 ans? Mais vive le vintage!
On a droit à une séquence particulièrement ridicule où, en pleine opération de nuit, un homme vient voir le capitaine et lui tend un talkie (une radio donc) parce que la femme d'un des gars appelle de France!!! Non les amis, on ne peut pas appeler un talkie walkie par téléphone, les femmes des soldats n'ont pas le numéro de l'officier qui encadre leurs hommes, et de toute façon dans un avant-poste en Afghanistan les seules communications possibles sont ultra-sécurisées, par satellite, et passent par plein de filtres du ministère de la défense. La coquine continue à harceler le capitaine par mail. Genre elle a son mail quoi.
Le summum du ridicule est sans doute atteint par cet aumônier black bedonnant, qui porte un crucifix bling bling que n'aurait pas renié Flavor Flav dans un clip de Public Enemy en 1989. Il lit deux passages de la Bible et se barre. A quoi cette scène a-t-elle servi? Sans doute à nous montrer l'hélico Huey de l'armée marocaine qui amène l'aumônier. Hélicoptère qui n'a jamais servi dans l'armée française, mais on nous a peinturluré un gros drapeau français sur le fuselage pour que ça passe. Le genre qu'on a arrêté de peindre sur les appareils dans les années 50.
Allez, on va dire que la FOB n'est pas trop mal représentée, que les armes sont les bonnes, que le fait de mixer deux types de vision nocturne (intensification de lumière et infrarouge) est une bonne idée, inédite au cinoche... Mais ça fait pas lourd. Predator est bourré d'invraisemblances bien pires, mais c'est un pur divertissement alors on s'en fout. Ici, on sent que le réal avait des ambitions à la fois documentaires et introspectives (la folie des hommes face à la guerre bla bla) mais ça tombe à plat. Et tous ces petits détails ratés donnent l'impression de voit des acteurs mal déguisés s'évertuer à faire vivre une non-histoire, jusqu'au ridicule final de la ruse du capitaine, qui m'a vraiment fait saigner le cerveau. Dommage.