Christian Vincent voulait tout d'abord, avec son producteur Matthieu Tarot, retrouver Fabrice Luchini 25 ans après La Discrète pour un nouveau projet de cinéma. C'est de cette manière que les deux hommes (dont le second est passionné par le monde judiciaire) ont imaginé l'acteur dans le rôle d'un président de cour d’assises.
Dévoilé à la 72e Mostra de Venise, L'Hermine a séduit le jury d'Alfonso Cuaron qui lui a décerné deux prix, celui du meilleur scénario ainsi qu'un prix d'interprétation pour Fabrice Luchini. Le comédien n'avait pas décroché de statuette depuis son César du meilleur acteur dans un second rôle pour Tout ça... pour ça en 1994.
Avec L'Hermine, Christian Vincent retrouve Fabrice Luchini après Il ne faut jurer de rien (1984) et La Discrète (1990). Le metteur en scène se souvient comment se sont déroulées ces retrouvailles : "Fabrice savait que j’écrivais en pensant à lui. Une fois que Matthieu Tarot et moi avons estimé qu’on pouvait lui faire lire quelque chose, j’ai pris rendez-vous avec lui. Je me suis rendu dans son appartement du XVIII arrondissement de Paris. J’ai fait la connaissance de Shiba, sa petite chienne de 2 ans. Nous avons bu un café dans sa cuisine. Je me souviens que la discussion a tourné autour du marché de l’immobilier, des taux de crédit en vigueur et du quartier dans lequel il vit et qu’il n’a jamais quitté. Avant de partir, je lui ai remis le scénario de L'Hermine. Le lendemain, il appelait en disant qu’il faisait le film."
Contrairement à son producteur, Christian Vincent ne s'y connaissait pas en matière d'univers judiciaire. Il a donc dû se documenter et assister à des procès d’assises. C'est à ce moment-là qu'il a remarqué à quel point une salle d'audience s'apparente à un théâtre, avec son public, ses acteurs, sa dramaturgie et ses coulisses.
Christian Vincent a commencé l'écriture du scénario en se rendant au tribunal de Bobigny pour assister à un procès où quatre jeunes hommes étaient accusés de viol en réunion dans un local poubelle. Le metteur en scène se souvient :
"Malgré le huis clos, avec l’accord des parties, j’ai pu assister au procès « côté cour », comme n’importe quel élève magistrat. A chaque suspension de séance, j’accompagnais le Président, ses deux juges assesseurs, sa greffière et les neuf jurés dans ce que l’on peut appeler les coulisses. J’ai vu les jurés poser des questions aux magistrats, faire connaissance les uns avec les autres, parler entre eux de ce qu’ils avaient entendu. J’ai vu des magistrats attentifs à leurs demandes, répondant à chacune de leurs questions, tout cela pendant cinq jours… Et puis j’ai immédiatement renouvelé l’expérience, à la cour d’assises de Paris cette fois-ci. Un jeune homme était accusé d’avoir égorgé son amant. A partir de là, je pouvais commencer à écrire. J’avais les éléments qui me permettaient de le faire. Pour que le film soit juste, il fallait que la partie documentaire le soit."
L’histoire est ensuite venue naturellement de la personnalité du magistrat. Christian Vincent a ainsi imaginé un Président de cour d’assises proche de la retraite, respecté et craint au Palais de Justice, mais méprisé et ignoré à son domicile. Cet homme amer était tombé amoureux d'une femme quelques années auparavant et c'est cette femme (jouée par Sidse Babett Knudsen) qui réapparaît dans sa vie en tant que jurée d’un procès dont il va diriger les débats, l'obligeant ainsi à vivre à ses côtés pendant quelques jours.
Christian Vincent a construit le personnage de Ditte en opposition à celui de Racine (Fabrice Luchini). Ainsi, ce dernier représente la nuit, la part sombre de chacun d’entre nous, alors qu'elle représente la lumière. En créant ce personnage féminin, le cinéaste avait en tête Christine dans La règle du jeu de Jean Renoir, une femme dont un aviateur tombe éperdument amoureux parce qu’elle a simplement été aimable avec lui.
Pour ce rôle de Ditte, Christian Vincent a choisi la comédienne danoise Sidse Babett Knudsen (qui a connu avec L'Hermine son premier tournage en France). Cela étant, au moment de l'écriture, il n'avait personne en tête pour ce rôle. C'est alors qu'il est tombé sur la saison 3 de la série Borgen (dont il est fan) : "J’adorais l’actrice. Je la trouvais à la fois sexy et virile. Elle me faisait penser aux héroïnes des films de John Ford. Et puis un jour de désoeuvrement, je « tape » son nom sur Google. Un lien me renvoie à un entretien qu’elle donne à ARTE. Je découvre alors qu’elle parle couramment français. Dans la minute, j’appelle mon producteur pour lui dire que j’ai trouvé l’actrice."
Dans sa préparation pour un rôle, Fabrice Luchini est un acteur aux antipodes de la méthode « actor’s studio » et de toutes les techniques qui prônent l’introspection. Il a toutefois, avant le tournage, voulu rencontrer le Président de cour d’assises qui avait accueilli le cinéaste.
Les extérieurs du film ont été tournés dans le Nord. Christian Vincent justifie ce choix : "C’est plus fort que moi. Je reviens toujours dans le Nord. Je m’y sens bien. Je ne sais pas exactement à quoi cela tient. A un goût pour une certaine forme de mélancolie, peut-être… Et en même temps, dans le Nord, il y a une vraie drôlerie, une vraie gaité qui n’a rien à voir avec l’affreuse bonhomie des gens du Sud."
Christian Vincent explique vouloir faire des films pour filmer la France dans la diversité des ses territoires, de ses langues et de ses cultures. Il a ainsi choisi de tourner dans un Palais de Justice parce qu'il s'agit d'un lieu "où toutes les paroles se croisent, où toutes les cultures cohabitent et où toutes les classes sociales se frottent. Le contraire de l’entre soi."