De Samuel Benchetrit, je n'avais vu que « Chez Gino », peu convaincant malgré de bonnes idées. Il me paraissait logique de lui laisser une seconde chance, surtout que ce dernier ne passe pas pour une grande réussite. Et je confirme : il ne faut pas limiter le réalisateur à cet unique loupé, car « Asphalte », ce n'était vraiment pas mal. Pourtant, c'est un film presque tout simple : quelques personnages qui se croisent (ou pas), une jolie ambiance, quelques notes de piano s'intégrant parfaitement à l'ambiance, un regard poétique sur la cité, presque vue comme un décor de science-fiction. Cela sent le vécu sans que le réalisateur ne tombe dans le misérabilisme ou l'autobiographie facile : au contraire, il y a beaucoup de distance, avec un ton résolument décalé permettant d'échapper au réalisme, ce qui est loin de me déplaire. Benchetrit n'en oublie pas pour autant d'aborder des sujets douloureux : solitude, mal-être, difficulté de communication... Il y a un vrai propos derrière cet univers singulier, osant même le surréalisme
(l'astronaute hébergé par la vieille dame : quel délicieux moment)
. Dommage qu' « Asphalte » prenne parfois parfois un ton très légèrement poseur, ayant un peu de mal à échapper à sa logique de film à sketches, notamment dans l'absence de lien entre les différents protagonistes. Maintenant, c'est un choix : privilégier la relation intime de chacun à l'autre, chaque intrigue étant composée de deux personnages, l'occasion également de belles prestations d'acteurs, pour ne citer qu'eux : Isabelle Huppert, Michael Pitt et l'étonnante Tassadit Mandi, dont je découvre avec plaisir l'existence... Une œuvre étonnante, éminemment personnelle, totalement à rebours de la vision habituelle sur la banlieue : le cinéma français nous fait ici du bien et pour ça, merci M. Benchetrit.