"Asphalte" est un doux délire sur les rencontres, sur les relations humaines improbables mais tellement belles et poétiques dans leur contexte si déjanté et abracadabrant !
Point de logique ou de rigueur, point de réalisme ou de trop sérieux, ici on plane, on rêve, on aime, on s'écoute quelque soit l'aspect saugrenu du relationnel...
Pas de véritable histoire, pas de démarche précise et implacable mais juste le plaisir d'observer, de goûter trois rencontres qui formeront trois couples drôles, différents et d'une tendresse infinie, toutes enfouies dans un immeuble de cité !
C'est délicat, frais et ponctué d'instants presque magiques, surprenants, insoupçonnables et incongrus qui nous emportent et nous émerveillent.
Pour illustrer ces moments, on commencera par la rencontre de cet astronaute John et de cette femme âgée, madame Hamida, tellement surréaliste et inimaginable, et qui devient en même temps unique, et aussi tendre que le couscous qu'elle lui prépare !
Que d'instants loufoques et inattendus, de scènes touchantes et justes même si l'ensemble souffre de quelques maladresses au niveau du rythme qui font que l'on rentre un peu difficilement dans le film à ces débuts...
Mais quand la magie opère, le charme éclot délicatement et mystérieusement, aussi doucement que possible et sans prendre gare et là, tout sonne éminemment juste.
Aussi bien la curieuse complicité qui se noue entre Jeanne (Isabelle Huppert) et son jeune voisin Charly prêt à tout pour la rebooster coûte que coûte dans son métier de comédienne, que les retrouvailles de plusieurs soirées entre cette infirmière de nuit melancolique et cet homme devenu handicapé sans en dire plus de trop pédaler (!), tout est enchanteur et poétique au possible !
Un film inclassable, un peu à la manière d'une sculpture faite de bric et de broc, d'éléments disparates collés et assemblés comme on peut et un peu partout, mais dont l'édifice tient finalement debout et donne finalement un objet raffiné et sensible, beau et léger en nous étonnant à chaque instant et quel que soit l'angle sous lequel on le regarde !
Les comédiens sont excellents, d'une discrétion et d'une retenue rares, et avancent au propre comme au figuré sur la pointe des pieds, en ne montrant quelquefois que le bout de leur nez, qu'un détail de leur personne, qu'une partie de leur apparence afin de les entrevoir et de les déballer comme des petites friandises douces et sucrées !
Entre rire aux larmes pour certaines scènes terribles et un simple sourire de bien être pour d'autres plus intimes et graves, on reste suspendu comme sur un fil, au film de Samuel Benchetrit, un poète en l'occurrence et un réalisateur dont l'imaginaire donne décidément du plaisir à l'état pur comme l'avait fait l'inénarrable "j'ai toujours rêvé d'être un gangster"...