Le Chardonneret est adapté du roman du même nom écrit par Donna Tartt et qui a obtenu le prestigieux Prix Pulitzer en 2014. L’ouvrage publié à l’automne 2013 a immédiatement remporté un vif succès et s’est classé en tête des ventes dans le monde entier. Le réalisateur John Crowley confie : "Je fais partie des millions de personnes qui adorent ce livre. Je l’ai lu à sa sortie et j’ai trouvé que c’était un mélange très réussi de beaucoup de choses. Le livre porte un regard intéressant sur les sentiments de chagrin et de honte : on découvre un enfant qui reste bloqué à un moment de sa vie correspondant à la mort de sa mère, et ce blocage ne fait que devenir plus profond et complexe lorsqu’il devient adulte. J’ai trouvé que c’était un roman puissant et marquant. C’est un critère important lorsqu’on adapte un livre au cinéma car il faut conserver cette première impression de lecture et s’en nourrir."
Le Chardonneret alterne entre deux temporalités distantes de 14 ans et c’est pourquoi plusieurs rôles ont dû être interprétés par des acteurs de générations différentes. C’est le cas notamment du personnage central de Theo Decker qui, adulte, est campé par Ansel Elgort et, enfant, par Oakes Fegley. Pour Ansel Elgort, l’un des plus grands enjeux du rôle était d’incarner le traumatisme qui hante Theo. "En apparence, Theo semble s’être remis. Mais au fond de lui, il est toujours aux prises avec un sentiment de deuil et de culpabilité qu’il porte comme un fardeau depuis l’enfance. Je devais trouver cette part d'ombre en mon for intérieur, ce qui a représenté un défi de taille pour moi", explique le comédien.
Le "personnage" éponyme du film n’est que rarement visible : enveloppé maladroitement dans du papier journal, il est caché mais jamais oublié. Tout au long de l’histoire, certains objets exercent ainsi une attraction sur les personnages, tout comme Le Chardonneret exerce une attraction sur Theo. "Quelle que soit notre définition de l’art, la plupart des gens s’accordent à dire que c’est quelque chose qui doit être vu. L’idée de dissimuler une œuvre d’art, d’en priver l’humanité, va complètement à l’encontre de l’élan créatif. Si une œuvre parvient, en dépit des différences culturelles et du temps qui passe, à toucher quelqu’un, à le faire se sentir moins seul et davantage en paix avec lui-même et proche d'autrui, alors cette œuvre a forcément de la valeur", confie John Crowley.
L’œuvre d’art inestimable qui est au cœur du récit fait partie des collections permanentes du Musée Mauritshuis de la Haye, aux Pays-Bas. Heureusement, le Mauritshuis a réussi à fournir une copie parfaite du tableau. Le chef décorateur K. K. Barrett se rappelle : "Le musée a utilisé une imprimante 3D pour scanner la surface du tableau et la reproduire à l’échelle, couche par couche. J’avoue que j’avais des doutes. Je craignais que cela ressemble à une reproduction de mauvaise qualité, mais quand j’ai pu la comparer à l’œuvre originale, j’ai été très impressionné par la ressemblance. Pour certaines prises, on a zoomé numériquement sur l’œuvre, et ensuite un artiste décorateur a peint par-dessus le visuel pour reproduire les coups de pinceau et les textures du tableau d’origine."
Il n’était pas possible de filmer à l’intérieur du Met puisque une explosion est censée s'y produire. Le département artistique de K. K. Barrett a donc reconstitué plusieurs salles du musée dans un grand entrepôt à Yonkers, souvent utilisé pour des tournages. La scène en extérieur qui suit l’explosion a quant à elle été tournée sur les marches devant le musée. On y voit l’arrivée des secours tandis que Theo, encore sous le choc, émerge des décombres sous une pluie battante. Cette séquence est courte mais elle a été complexe sur le plan logistique car il a fallu tourner très tôt le dimanche matin et boucler la séquence à temps pour l’ouverture du Met au public.
Sous l’impulsion de la productrice déléguée Mari Jo Winkler-Ioffreda, le tournage s'est déroulé sous le signe de l'écologie. Parmi les réussites du film, on peut citer : 74% de déchets évités à New York grâce au recyclage, au compostage et au don de matériaux, 68 000 bouteilles en plastique non consommées grâce à l’utilisation de bouteilles réutilisables, 4270 repas offerts aux centres d’accueil et banques alimentaires, l’utilisation de véhicules hybrides pour réduire la consommation de carburant, la réutilisation de matériaux utilisés sur de précédents tournages… Par conséquent, Le Chardonneret a été récompensé par le NYC Green Film remis par le Maire de New York, et un EMA Gold Seal décerné par la Environmental Media Association.
Pour les scènes à Las Vegas, tournées aux alentours d’Albuquerque, John Crowley voulait créer un environnement totalement dépourvu d'histoire. Il précise : "Je voulais qu’aucun objet ne soit plus vieux que Theo et Boris et que tout, autour d’eux, ait un air totalement étranger. Cette partie du film est une sorte de parodie d’une vie de famille qui 18 aurait été détournée et dénuée d’émotions. Ces deux enfants sauvages se retrouvent donc livrés à eux-mêmes". Roger Deakins explique quant à lui comment lui et son équipe ont accentué la différence entre la métropole et le désert : "La plupart des scènes à Las Vegas ont été tournées volontairement sous un soleil de plomb, pour obtenir cet effet ardent et décoloré. Les intérieurs étaient aussi éclairés avec une lumière crue par opposition aux scènes new-yorkaises qui ont une atmosphère plus sombre et feutrée."