Cyril Dion et Mélanie Laurent se sont rencontrés en 2011. A cette époque, le premier dirigeait le Mouvement Colibris et montait une opération baptisée « Tous Candidats » dont l’objectif était de mobiliser un maximum de personnes pour la campagne présidentielle de 2012. La seconde poursuit : "J’avais rencontré Pierre Rabhi lors d’un dîner avec Danielle Mitterrand. Il m’a parlé de la campagne, je lui ai laissé mon numéro et Cyril m’a appelé quelques jours plus tard pour y participer. J’y ai entraîné mon frère, ma mère, mes amis, mon chéri, ma belle-fille". Cyril Dion termine : "Très vite, Mélanie a voulu que je lui montre des initiatives qui « changent le monde »… Je l’ai emmenée à la ferme du Bec Hellouin en Normandie, chez Perrine et Charles Hervé-Gruyer (que nous avons filmés dans DEMAIN). Sur le trajet, nous nous sommes rendu compte que nous avions plein de goûts en commun. Je lui ai parlé de mon projet de film que je n’arrivais pas à monter. De fil en aiguille, je me suis dit qu’il fallait qu’on le fasse ensemble. Elle a dit oui dans la seconde et s’est investie totalement."
Le film démarre sur une étude scientifique parue dans la revue Nature en 2012. Celle-ci, assez dévastatrice, annonce un effondrement généralisé des écosystèmes, donc la fin des conditions de vie stables sur Terre. Cyril Dion, qui a commencé à écrire le film en décembre 2010, se disait à ce moment déjà qu'annoncer les catastrophes ne suffisait plus, il fallait proposer des solutions pour l'avenir. Par manque de temps, il laissa le projet en suspend par et fit un burn out en 2012... Un mois après, il découvrit la fameuse étude d’Anthony Barnosky et Elizabeth Hadly qui l'a profondément marqué et y a vu une résonnance avec son propre épuisement : "Je me suis dit qu’il était temps de faire ce qui comptait le plus pour moi et de mettre ce film sur les rails. J’ai démissionné de mon poste chez Colibris et j’ai commencé à y consacrer la plupart de mon temps."
Mélanie Laurent a quant à elle lu l’étude quand elle était enceinte : "J’étais sous le choc, j’ai passé la journée à pleurer et j’ai maudit Cyril de m’avoir plongée dans un désespoir pareil. Jusqu’à la découverte de cette étude, il ne s’agissait « que » de faire un film positif. Tout d’un coup, cela devenait un film nécessaire, et cela a été un formidable moteur. Dans ma vie d’actrice, j’avais déjà beaucoup de choses calées, j’en ai annulé un certain nombre pour m’investir à fond."
Pour financer le projet, Cyril Dion et Mélanie Laurent ont lancé une campagne sur la plateforme de crowdfunding KissKissBankBank. Leur objectif était de réunir 200 000 euros en deux mois, qu'ils ont obtenus en 2 jours ! Au total, ils ont récolté 450 000 euros, ce qui est le record mondial de la levée de fonds pour un documentaire, renforçant par la même occasion la force de Demain qui est donc le film de 10 266 personnes pour être exact.
Pour les cinéastes, le but premier du documentaire était de raconter une histoire. De ce point de vue, ils ont été très influencés par un essai de Nancy Huston, « L’espèce fabulatrice » qui montre que les êtres humains se construisent autour de fictions individuelles et collectives : "Le monde d’aujourd’hui est né du mythe du progrès, qui est un récit auquel nous avons tous largement adhéré. Impulser un nouvel élan nécessitait avant tout de construire un nouveau récit. D’où le côté road-movie et toutes nos aventures dans chaque nouveau lieu. Ensuite, il a bien fallu rendre accessible et le plus simple possible des sujets parfois arides comme la création monétaire…", expliquent-t-ils.
L'intention première des réalisateurs consistait plus à contribuer à l’émergence d’une nouvelle culture que de fournir la réponse absolue à l’effondrement du monde : "Nous avons d’abord besoin de changer d’imaginaire et, à chaque époque, cela a été de la responsabilité des artistes (parmi d’autres) de produire des livres, des films, des tableaux, des chansons… qui décrivent ces mutations", note Cyril Dion, Mélanie Laurent poursuivant : "Mises bout à bout, les initiatives comme la permaculture, les monnaies locales, les énergies renouvelables, dessinent un monde possible. Ce qui peut paraître démotivant, c’est qu’il ne s’agit que d’initiatives isolées, mais en même temps elles ne demandent qu’à être réunies ! Il y a déjà un monde qui tient la route, qui existe, où tout est possible. Des solutions sont déjà disponibles, dans tous les domaines, c’est obligatoirement inspirant !"
En ce qui concerne la répartition des tâches entre Cyril Dion et Mélanie Laurent, la seconde s'est surtout consacrée au tournage et le premier au montage, tout en se consultant mutuellement. "Je me suis concentrée sur la forme, sur la partie artistique, le découpage des images. Chaque soir, Cyril nous expliquait ce que nous allions filmer le lendemain, les personnes que nous allions rencontrer, ce qu’il voulait que cela raconte. Ensuite, avec Alexandre Léglise, le chef opérateur, nous découpions les séquences et nous réfléchissions à la meilleure façon de mettre en image chaque initiative, dans sa spécificité", avance Mélanie Laurent. Cyril Dion termine : "De mon côté, j’avais le temps et l’espace pour nouer une relation avec ceux que nous allions filmer, préparer les interviews. Nous avions besoin de sentir, à l’image, qu’une vraie rencontre avait lieu, que quelque chose d’intime se produisait. Il fallait que tout cela soit vivant, qu’on sente les lieux, les atmosphères. Nous ne voulions pas que les personnages nous racontent ce qu’ils font, nous voulions les voir faire."
La voix de Fredrika Stahl accompagne le film dans sa progression. Pour l'occasion, la chanteuse a signé 19 morceaux. Cyril Dion se souvient comment cette artiste sensible aux thématiques écologiques en est venue à participer au projet : "Un ami commun Jean-Christophe Bourgeois lui a parlé du projet et elle nous a spontanément envoyé une chanson : « World to come », qui disait qu’il n’y avait aucun monde à venir… C’était complètement à l’opposé du propos du film ! Mais c’était tellement beau que nous avons tout de même essayé de monter cette chanson juste après le démarrage du film et cette étude sans espoir. Et cela a tellement bien marché que nous avons demandé trois autres essais à Fredrika. Elle n’avait vu aucune image pourtant, à chaque fois, elle tapait dans le mille. Nous avons continué à travailler à distance : nous lui envoyions des séquences, elle nous renvoyait des morceaux. Sa voix et sa musique sont presque un personnage à part entière, donnent une véritable identité au film."
Demain doit inaugurer la Conférence onusienne pour le climat, la fameuse COP21, qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Bien évidemment, Cyril Dion et Mélanie Laurent espèrent que ce sera un moment de mobilisation et de sensibilisation très fort, même s'ils sont tous les deux d'un optimisme mesuré.
Contrairement à beaucoup de films sur ce sujet, Demain cherche à aller au-delà du constat catastrophique et parle des solutions. Le but du film est de faire prendre conscience à chaque individu qu'il peut agir à sa propre échelle pour rendre le monde meilleur. "Nous ne sommes plus dans une zone de confort et pour autant, nous ne sommes pas encore dans l’effondrement. Nous sommes dans une phase particulièrement inspirante : nous savons que nous allons nous prendre un mur et c’est le moment de nous mobiliser. L’être humain est allé marcher sur la Lune, a aboli l’esclavage, éradiqué des maladies, nos capacités sont immenses, à nous de les mettre au service de notre survie et de notre bonheur collectif…", s'enthousiasme Mélanie Laurent.