Lolo : les secrets du tournage

Lolo, dont le tournage s'est déroulé entre Paris et Biarritz, est le sixième long métrage de la Julie Delpy cinéaste après Looking for Jimmy, Two Days in Paris, La Comtesse, Le Skylab et 2 Days in New York. Il s'agit à nouveau d'une comédie, genre préféré de Delpy.

L'idée du film est venue à Julie Delpy lors d'une plaisanterie avec sa coscénariste Eugénie Grandval qui portait sur les rapports qu'elle aurait dans 10 ans avec son fils de 6 ans. Cette blague a amusé les deux femmes et de là est née ce couple insolite, composé d'un provincial et d'une femme travaillant dans le monde de la mode, mis à mal par la présence d'un fils manipulateur.

Julie Delpy joue aussi l'un des rôles principaux du film, celui d'une femme de 45 ans qui a réussi sa vie professionnelle mais qui est frustrée dans sa vie amoureuse. Elle explique : "C’était important qu’on sente ses faiblesses et ses zones de fragilité. Au début du film, le personnage de Karin Viard, sa meilleure amie, lui dit : « T’es super forte dans ton boulot et t’es complètement nunuche dans tes relations sentimentales ». C’est une réalité que j’observe souvent autour de moi : ce n’est pas parce qu’on est bon en affaires et qu’on a un bel appartement qu’on s’en sort au niveau émotionnel. Violette a un gros manque : elle a passé son temps à travailler et à s’occuper de son fils. Même si l’on comprend qu’il n’a cessé de lui mettre des bâtons dans les roues, elle-même n’a rien fait pour arranger la situation."

A la différence de ses précédents films qui montraient des familles nombreuses (2 Days in Paris, Le Skylab, etc.), Lolo se centre sur une femme seule avec son fils. Julie Delpy explique que ce changement est à mettre en parallèle avec le fait qu'elle soit devenue mère dans la réalité.

Les personnages de Julie Delpy et Karin Viard ont un langage sans tabou lorsqu'elles parlent de sexe. La première explique que cette crudité lui vient de son... Education : "J’ai été élevée avec « Charlie Hebdo » et « Hara Kiri ». À six ans, je lisais « Le Gros Dégueulasse », la BD de Reiser. Ça allait loin, c’était un peu trash, mais intelligent, très drôle et jamais complètement vulgaire. J’adore aller loin moi aussi, flirter avec les limites sans tomber pour autant dans la vulgarité. C’est ma façon d’écrire. On vit dans une époque où les codes du langage et le politiquement correct nous brident de plus en plus. Cela ne rend pas les gens meilleurs, au contraire : la peur règne et le fascisme remonte."

La thématique d'un couple qui se rencontre, enchaîne les malentendus et en sort plus fort est répandue dans les films de Julie Delpy. Lolo ne fait pas exception à la règle : "C’est toujours l’idée que tout ce qui ne détruit pas rend plus fort ; une idée assez obsessionnelle chez moi. Beaucoup de gens m’ont détruite et je me suis chaque fois reconstruite, plus forte. Au fond, c’est le propre du vivant : les cellules se détruisent et se reproduisent constamment… jusqu’à ce que le cancer vous gagne", avance la comédienne/réalisatrice.

Julie Delpy a écrit le rôle de Lolo pour Vincent Lacoste. Les deux personnes avaient travaillé ensemble à l'occasion du Skylab, quatrième film de la cinéaste. Tout comme Karin Viard qu'elle retrouve aussi dans Lolo. Par ailleurs, Lacoste et Dany Boon s'étaient croisés brièvement sur le tournage de Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté.

Le célèbre grand couturier Karl Lagerfeld fait une apparition dans son propre rôle dans ce nouveau film de Julie Delpy. Et un certain Frédéric Beigbeder y joue un homme donnant des cours de cuisine basque à la télévision : "Frédéric Beigbeder, qui ne sait pas couper un poivron et encore moins cuisiner, était ravi de ce rôle de composition. Des amis qui travaillent chez Chanel m’ont aidée à convaincre Karl Lagerfeld. C’était important qu’il soit dans le film : Lagerfeld, c’est le designer par excellence, c’est une icône", se rappelle Julie Delpy.

Julie Delpy joue dans Lolo parce que sa présence devant la caméra a permis de financer le long métrage : "Le fait que je joue donne le ton ; une certaine énergie. Je m’en suis rendue compte sur le tournage de 2 DAYS IN PARIS et de 2 DAYS IN NEW YORK. Je suis un peu le boeuf de la charrue. Mais j’adore aussi être uniquement réalisatrice : c’est un plaisir intense."

Pour Lolo, Julie Delpy n'a pas travaillé avec son habituel directeur de la photographie Lubomir Bakchev mais avec Thierry Arbogast qu'elle ne connaissait pas. Il a été choisi pour apporter au film un univers plus coloré, tranchant ainsi avec le côté caméra à l'épaule des précédents longs métrages de la réalisatrice. En ce qui concerne la musique, c'est la première fois, avec Lolo, que Delpy s'offre les services d'un compositeur puisqu'elle a pour habitude d'endosser elle-même cette fonction.

C'est le côté histoire d'amour sans cynisme entre deux quadras qui a séduit Dany Boon et l'a motivé pour participer au film. A l'origine, le producteur Michael Gentile pensait que le comédien était inaccessible et trop cher, mais Boon s'est finalement adapté au budget.

La thématique des enfants rois est au centre de Lolo. Dany Boon explique à ce sujet : "L’enfant est devenu non seulement une personne mais on l’a laissé grandir sans lui donner de limite. Punir les enfants équivalait à les traumatiser à vie. On en voit beaucoup de ces enfants-rois qui ne disent ni « Bonjour » ni « S’il te plaît » ni « Merci » et je trouve ça choquant. Ces enfant-rois devenus ados ou jeunes adultes aujourd’hui se sentent perdus. J’ai été élevé par des parents plutôt autoritaires et je le suis avec mes enfants. Un enfant peut être épanoui et créatif tout en sachant dire « Merci » et « S’il vous plaît ». Il a besoin d’un cadre."

Vincent Lacoste voit Lolo, son personnage d'enfant roi, comme une espèce de Tanguy un peu inquiétant. L'acteur a voulu faire de lui quelqu'un de non seulement insupportable, mais aussi malsain, prétentieux, antipathique et donc finalement drôle.

Avant le tournage, Julie Delpy a demandé à Vincent Lacoste de visionner Hantise de George Cukor : "C’est un drame, mais le personnage que joue Charles Boyer a beaucoup de points communs avec le mien : un type très pervers qui rabaisse sans cesse sa femme", explique-t-il.

La scène que Vincent Lacoste a préféré jouer dans le film est celle où il se bat à coups de parapluies avec Dany Boon dans le salon : "On tapait très fort - ça doit se voir à l’écran. À tel point qu’à la fin de chaque prise, malgré la mousse qui entourait vaguement les parapluies, je lui cassais son plâtre. « Tape un peu moins fort quand même », me disait Dany. On hurlait. Un vrai défouloir et ma première scène d’action."

Karin Viard nous en dit plus sur son personnage de "femme moderne" : "C’est une femme libre, sûre d’elle et qui a son franc-parler, notamment sur la sexualité. Elle n’est pas soumise aux diktats de la société - rencontrer quelqu’un, vivre avec et former un couple… Elle est créative et affranchie ; très différente de Violette à laquelle elle sert de révélateur. Dans ses films, Julie a toujours besoin d’un contrepoint à son propre rôle. Dans LOLO, on est un peu comme Thelma et Louise : quoique mon emploi soit vraiment secondaire, je n’avais pas le sentiment de jouer les faire valoir. Aucune des deux ne prend le pas sur l’autre."