En 1955, Claude Lorius répond à une petite annonce qui propose un hivernage d’un an en Antarctique, sans possibilité de retour ni d’assistance. Emerveillé par la capacité de la glace polaire à conserver l’air contenu dans l’atmosphère, l’explorateur amateur couvrira 22 expéditions aux pôles durant 28 ans d’existence, de 1957 à 1985.
L’amitié qui nait en octobre 2011 entre Luc Jacquet et Claude Lorius est immédiate. Les deux hommes se rencontrent pour la première fois à la maison de la Géographie et se découvrent une passion commune pour l'Antarctique. Le réalisateur avait même été bouleversé par le livre de l'explorateur intitulé "Voyage en Anthropocène".
Après avoir porté son regard sur les forêts tropicales au travers d'Il était une forêt, Luc Jacquet nous invite à découvrir les températures glaciaires de l’Antarctique avec La Glace et le Ciel. Dans les deux cas, il fait appel à l’expertise de scientifiques chevronnés : le botaniste Francis Hallé pour le premier et l’explorateur Claude Lorius pour le second.
Après Il était une forêt, Luc Jacquet fait de nouveau appel aux services de Michel Papineschi pour servir de narrateur à son nouveau long-métrage, La Glace et le Ciel. Doubleur de profession, l’acteur a notamment prêté sa voix à l’acteur Robin Williams durant presque toute sa carrière.
L’envie première de Luc Jacquet était de conserver de toute urgence une trace de l’expérience vécue par Claude Lorius, âgé de presque 80 ans avant le début du tournage. Il a donc procédé à des entretiens durant 10 jours, collectant un maximum d’informations dans la meilleure qualité de son et d’image possible. C’est de cette étape qu’est née l’envie de réaliser un documentaire autour de sa vie.
La tenue adoptée par Claude Lorius, composée d’une veste bleue et d’un pantalon noir, revêt une importance toute particulière aux yeux du réalisateur, Luc Jacquet. Elle est, selon ses dires, "puissamment évocatrice". C’est en le filmant ainsi habillé au cœur des roches glacées de l’Antarctique que le réalisateur a eu l’idée de remonter le temps en suivant le fil de la vie de l'explorateur.
L’Antarctique constitue une obsession pour Luc Jacquet qui n’a jamais cessé depuis sa première expédition à l’âge de 23 ans d’y retourner. Une passion qui s’explique par le caractère fraternel qu’impliquent les conditions extrêmes de survie : "ce qui me plait, c’est l’authenticité des hommes qui vont là-bas".
Ecologue de formation, Luc Jacquet utilise le cinéma "afin de donner une caisse de résonnance à des hommes qui produisent une connaissance qui n’est pas entendue". Il a dans ce but fondé l’ONG Wild-Touch, spécialisée sur les questions du développement durable. L’association est également productrice du réalisateur depuis C'était la forêt des pluies, un court-métrage à l’origine de son troisième long-métrage intitulé Il était une forêt.
Afin de mieux servir un propos aux résonnances écologiques, Luc Jacquet utilise le cinéma pour mieux manipuler le temps qu’il considère comme subjectif. En le travaillant, le réalisateur peut "ôter des voiles pour voir le monde différemment et être étonné par les révélations de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit".
Selon le réalisateur, Claude Lorius ne s’exprime publiquement que si une supposition scientifique a été démontrée par des professionnels aguerris. Passionné par la transmission des savoirs, l’explorateur aura volontairement choisi de ne pas participer à la vie politique, ce qui pourrait expliquer son relatif anonymat. Une attitude que semble partager le réalisateur : "On ne peut construire une humanité, et avancer, que si on partage le savoir".
Luc Jacquet compare son film à une épopée grecque et Claude Lorius à un héros. La raison se trouve moins en la ténacité de l'explorateur qu'à sa capacité à partir à l'aventure sans réfléchir : "il ne sait pas ce qui l’attend au bout du chemin. Et à son retour chez lui, il lui est arrivé des choses tellement extraordinaires qu’il a pu s’élever au-dessus de l’humanité".
L’axe narratif du film suit les rebondissements successifs des expéditions et des grandes découvertes de Claude Lorius. Désireux d’illustrer son parcours à l’aide d’authentiques images d’archives, Luc Jacquet aura dû fournir un an de travail acharné avant de réunir l’entièreté des traces existantes montrant l'explorateur au travail. Celles-ci lui parvenaient même parfois au cours du montage, modifiant l'agencement pré-établi du film.
En dehors de la musique, le son tient une place particulière au sein du projet. A partir d’images muettes, Luc Jacquet a travaillé sur "des sonorités impressionnistes et évocatrices davantage que naturalistes" afin de donner "de la profondeur" aux images.
La lumière façonnée par Stéphane Martin, chef opérateur du film, a été conçue à la mesure de l’admiration de Luc Jacquet pour Claude Lorius. L’idée était de rendre l’explorateur "noble et charismatique, comme un chaman ou un vieux chef indien". Elle a été entièrement travaillée à partir de la lumière naturelle et en détournant au mieux l'économie réduite du projet.
Le compositeur Cyrille Aufort revient avec La Glace et le Ciel à ses premiers amours. En effet, celui-ci s’est formé sur des documentaires et a même travaillé avec un autre documentariste célèbre, Jacques Perrin, à l’occasion de L’Empire du milieu du sud en 2008. C’est néanmoins sa première expérience avec Luc Jacquet, réalisateur habitué à changer de compositeur à chaque projet.