Un challenge réussi pour ce film casse-cou, car il est toujours difficile de faire un film sur une base historique, voir politique, sans tomber dans la caricature, ou dans la démonstration didactique « Pro ou contre », et d’en faire une thèse. Le film nous conte l’histoire d’un groupe d’anarchistes individualistes français de la 2e génération ( on est 10 ans après Ravachol et Vaillant) et l’on sent déjà la fin de cette mouvance ( qui s’achèvera 12 ans plus tard par l’épopée de la Bande à Bonnot ), avec l’attirance de certains pour l’organisation en syndicat révolutionnaire et pour d’autres pour la réappropriation ( le gentleman cambrioleur) . Le film garde un rythme soutenu, avec des dialogues très intelligemment écrit et qui ne manquent d’humour , par exemple il ne craint pas de se moquer de deux icones anarchistes : Louise Michel , nommée « la moustachue » ou Emma Goldman « la grosse », en les comparant à l’ Adèle du film , « la belle » . Il y a aussi cette astucieuse idée de faire passer à chaque protagoniste un mini-interview, en contre champ, (du style de « la Boîte à Questions » de Canal ), où les confidences recueillies de chacun , permettent de mieux comprendre leur motivation et leur parcours ,et donnent aussi une modernité à la narration . Les acteurs sont tous impeccables à commencer par le duo Exarchopoulos et Rahim , qui fonctionne très bien, tout en finesse , avec le ton juste , et l’émotion nécessaire . Cédric Kahn en policier est aussi très bon , sobre , efficace, strict mais pragmatique , faisant juste son job. Et les trois plus virulents compagnons, joués par Gouix, Leklan, et Arland son aussi très bons. Un petit reproche que l’on peut faire c’est l’abus de plans américains et surtout des gros plans de visage, qui constituent 80 %, de la réalisation. C’est lassant et fait un peu « cheap » , même si l’on devine que cela permet de tenir un budget plus serré, en évitant les décors très lourds , les costumes compliqués et exorbitants et les prises de vue extérieures dans Paris qu’il aurait fallut reconstitué . Nous sommes limités à deux séquences de tavernes dansantes (très réussies d’ailleurs) . Hors ce bémol, le film est agréable et on ne peut que féliciter Elie Wajeman , pour sa production et sa bonne réalisation, pleine d’équilibre, qui se situe dans la lignée de "La Bande à Bonnot", film référant , avec Jacques Brel et Bruno Cremer de 1968, constituant à ce jour les deux seules évocations de ces années de feu de l’histoire de France, prouvant bien la difficulté de traiter ce sujet . Les 5 dernières minutes sont excellentes avec, pour les survivants, des vies qui vont se séparer, chacun part vers sa destinée, il n’y a pas de vainqueurs, il n’y a pas de convertis, mais juste des larmes et du sang.