Qu'est ce qui définit le passage à l'âge adulte, ce moment où les dernières bribes d'enfance s'évanouissent pour laisser place à autre chose ? L'âge, la morphologie, le vécu d'expériences plus ou moins fortes, un traumatisme d'une ampleur telle qu'il dévore peu à peu toutes traces d'innocence, ... ?
Production franco-espagnole réalisée par Thierry Poiraud ("Atomik Circus", "Goal of the Dead"), "Alone" articule son propos autour de cette question sujette à de multiples hypothèses lorsqu'une étrange épidémie infecte les adultes d'une petite île écossaise les poussant à massacrer les plus jeunes. Au coeur de cet événement, six adolescents d'un centre pour mineurs laissés à leur propre sort et découvrant peu à peu l'ampleur du phénomène...
La force pricipale du film est de jouer avec la personnalité de chacun de ses jeunes héros : entre les plus âgés qui sont encore coincés dans l'enfance mais qui se donnent une contenance mensongère d'adulte et les plus jeunes qui, par leur vécu ou leur souffrance, sont bien plus matures que leurs proches aînés, la confrontation à cette étrange épidémie (dont on ne sait quels critères fait qu'elle contamine les personnes qui peuvent être estimées comme adultes) met constamment en lumière cette frontière ténue entre la fin de l'enfance et l'arrivée dans l'âge adulte. Qui peut être le prochain contaminé parmi le petit groupe ? C'est sur cette base astucieuse révélant par là même le caractère enfoui de ces jeunes personnages que "Alone" construit son intrigue, imparfaite certes, mais qui tire pleinement profit de ce contexte fantastique avec intelligence.
D'une radicalité étonnante (le film choisit de ne pas ignorer la violence induite par son idée de départ) et renvoyant ironiquement à un pan du cinéma de genre où les enfants étaient, eux, par un quelconque élément, considérés le plus souvent comme la menace, le film de Thierry Poiraud est, de plus, visuellement très convaincant, le réalisateur sachant toujours exploiter le meilleur de sa pluralité de décors pour créer tout autant d'atmosphères qui collent au plus près du ressenti momentané de ses personnages à chaque séquence.
Mais c'est aussi là sa limite, "Alone" ne parvient pas à créer un liant suffisamment fort entre toutes ses péripéties épisodiques qui le composent sinon une structure très classique aux enjeux limités (s'enfuir), on passera ainsi de la violence brute des premiers instants à une deuxième partie qui préfère se concentrer sur la mélancolie de la situation inévitable d'un de ses héros. Si l'influence du contexte sur les personnages parviendra par sa force à cimenter la cohésion de l'ensemble, le film donnera tout de même l'impression de ne pas savoir trop où aller et se réfugiera dans une finalité attendue (mais, malgré tout, bien faite) pour conclure assez rapidement un récit qui, une fois, son propos établi, n'avait, de toute évidence, plus grand chose de très original à proposer.
Dans le fond, peu importe, "Alone" fait partie de ces films dont on ne préfère garder à l'esprit que les qualités tant elles font le sel d'une proposition intéressante même si celle-ci est loin d'être totalement aboutie.