L’histoire du film est inspirée de la vie du petit Pakistanais Iqbal Masih (1983-1995), un jeune esclave travaillant pour le compte d’un fabricant de tapis. Cette histoire, racontée dans le roman de Francesco d’Adamo “Iqbal, un enfant contre l’esclavage”, s’inspire de la vie de ce jeune garçon exceptionnel devenu un symbole mondial de la lutte contre l’exploitation du travail des enfants. Le réalisateur Michel Fuzellier explique :
"Mais il y a des enfants exploités ailleurs qu’au Pakistan. Ceux-ci sont malheureusement une réalité quotidienne du monde entier car l’esclavagisme moderne n’est plus limité aux pays défavorisés de la planète : il prospère de façon incroyable dans notre monde occidental soi-disant voué au progrès. Face à ce fléau, j’ai ressenti cette proposition comme un impératif éthique : raconter aux jeunes générations la situation de millions d’enfants de par le monde. Notre intention n’étant pas de faire un documentaire, mais de raconter une histoire pouvant toucher un jeune public, il était important selon moi de donner au film un caractère universel et, pour ce faire, de le transplanter, sous la forme d’une fable, dans un pays imaginaire. Car notre but n’est pas de dénoncer telle ou telle culture, mais de raconter aux jeunes l’histoire d’un enfant prodige, un petit paysan qui comprend tout seul l’immoralité de l’exploitation des enfants et dénonce les pratiques odieuses et malheureusement universelles de la société des adultes."
Le réalisateur iranien Babak Payami a apporté des informations précieuses au scénario du film tout en aidant Michel Fuzellier à éviter les clichés habituels des films occidentaux qui se situent en Orient. Dans cette optique, l'histoire de Iqbal, l'enfant qui n’avait pas peur se déroule dans un lieu imaginaire, les villes n’y ont plus de références géographiques réelles et les abus subis par Iqbal ont des motifs plus compréhensibles pour un jeune public occidental : il n’est plus vendu par ses parents endettés, mais il se livre naïvement à son bourreau pour la noble raison d’acheter des médicaments pour son frère malade. Babak Payami développe :
"On ne peut donc tenir le film pour la véritable histoire d’Iqbal Masih, mais il faut le voir comme une histoire inspirée par lui, située dans un monde plus coloré, plus mystérieux et fascinant que le monde réel. Pour toucher les enfants, pour les sensibiliser au destin des petits esclaves confinés jour et nuit entre quatre murs, sans être décourageant, on devait émousser la dimension oppressante et claustrophobe du contexte. Il fallait prévoir une ouverture sur le monde extérieur, un recours à des institutions, celles qui permettront le sauvetage d’Iqbal et de ses camarades. Une autre ouverture à l’espoir et au courage est due aux rêves qu’Iqbal fait continuellement, qui le soutiennent et le motivent. Au début, la tête dans les nuages, nous le voyons rêver d’animaux fantastiques. Mais il se fait artiste lorsqu’il transporte ses visions sur les splendides tapis qu’il tisse."
"Devenu prisonnier, alors que ses camarades ne voient que la réalité immuable des choses et le brocardent, Iqbal, le rêveur, l’utopiste, devient un leader qui tente des évasions impossibles et qui réussit, envers et contre tous, à faire libérer ses amis. Conscient du risque que représentait la rhétorique dans une telle histoire, je me suis employé dans l’écriture du scénario à éliminer toute trace de dialogue apitoyé ou moralisateur, tout discours pompeux au profit d’actions, de rebondissements et de sentiments qui réconfortent le sens logique et la soif innée de justice des enfants et qui permettent aux petits spectateurs de s’identifier et de participer aux aventures des personnages. Cela nous a amenés à construire des caractères plus complexes qu’ils ne l’étaient dans le roman et à introduire des symboles visuels tels que le Phénix, l’oiseau mythique qui renaît continuellement de ses cendres. Le Phénix devient le symbole de la révolte. L’esprit de liberté d’Iqbal, nous le savons maintenant, renaîtra toujours."
Iqbal Masih est vendu par ses parents pour éponger la dette familiale, contractée lors du mariage de son frère. A quatre ans, il rejoint une de ces fabriques de tapis qui exploitent près de huit millions d’enfants pour la finesse de leurs doigts aptes à réaliser les fameux tapis d'Orient. Pendant six ans, il travaille comme un esclave, les chevilles blessées par de lourdes chaînes. À dix ans, Iqbal a les mains ravagées d'avoir noué douze heures par jour de précieux tapis revendus à prix d'or en Occident. Un jour de 1993, son calvaire prend fin grâce à Eshan Khan, président de la ligue contre le travail des enfants (BLLF).
A l’âge de 10 ans, son libérateur l'arrache donc de son métier à tisser pour lui redonner le goût de vivre et la rage de se battre. Iqbal devient alors le symbole de cette jeunesse martyrisée. Il rejoint le Front de Libération du travail des enfants et participe à leur campagne, devenant bientôt le porte-parole de l'enfance exploitée. Orateur de talent, il parcourt le monde pour alerter l'opinion internationale sur les conditions de travail inhumaines imposées à des millions d'enfants du Pakistan, de l'Inde, du Bangladesh et d'ailleurs. “Nous nous levons à 4 heures du matin et travaillons enchaînés durant 12 heures… n'achetez pas le sang des enfants !” s'écrie lqbal dont l'appel bouleverse les consciences.
En janvier 1995, il participe à une Convention contre l'esclavage des enfants à Lahore. Il se rend en Suède et aux États-Unis, où il reçoit un prix de la firme américaine Reebok et déclare vouloir utiliser cet argent pour suivre des études d’avocat. Sous la pression internationale, le gouvernement pakistanais ferme plusieurs dizaines de fabriques de tapis et trois mille petits esclaves sortent ainsi de l'oubli. “Je n'ai plus peur de mon patron”, déclare Iqbal qui se rend désormais à l'école de son village, “maintenant c'est lui qui a peur de moi”… Mais l'enfant n'aura pas le temps de goûter à sa liberté.
Alors qu'il n'a que 12 ans, il meurt assassiné sur son vélo, le corps criblé de plomb gisant sur la lande de Chapa Kana Mill, près de Lahore (Pakistan). Il avait reçu des menaces de la "mafia de l'industrie du tapis" comme l'affirmait Eshan Kahn. La police pakistanaise écrira dans son rapport : "l'assassinat résulte d'une dispute entre un paysan et Iqbal". Histoire sordide d'un porte-parole qui devenait gênant. Les pistes de ce meurtre sont brouillées alors que la Commission des droits de l'homme du Pakistan a "adopté" la version de la police. Grande âme au sourire d'enfant, Iqbal a réussi sa mission : nous pouvons aujourd'hui nous appuyer sur lui pour avancer. “Il était si courageux, disait Khan, vous ne pouvez imaginer”… L’histoire d’Iqbal Masih n’est hélas pas un cas unique.
L’afflux de refugiés, dont beaucoup sont des enfants, sont pour nombre d’entre eux également victimes de mafias de trafiquants et d’esclavagistes. Ces enfant réfugiés et migrants non-accompagnés en Europe, sont terriblement vulnérables aux abus, trafics, et exploitation, et leur nombre a atteint le triste record de 95 000 l’année dernière. Interpol estime qu’1 enfant réfugié et migrant non-accompagné sur 10 n’est pas recensé ou est porté disparu, mais les chiffres réels sont certainement plus élevés. En Slovénie, par exemple, plus de 80% des enfants non-accompagnés ont disparu des centres d’accueil, et en Suède plus de 10 enfants sont portés disparus chaque semaine. Enfin en 2016, 4 700 enfants non-accompagnés ont été portés disparus en Allemagne. I