S’il nous fallait chercher le pamphlet politique dans Coming Home, c’est au titre seul que nous nous arrêterions, encore et encore, dans la mesure où il cristallise toute l’ambition mélodramatique de Zhang Yimou : peindre les années Mao comme un traumatisme présent à jamais dans les mémoires, enfoui sous la peau, dans l’inconscient. Un passé qui ne passe pas. Dans cette perspective, le film serait à rapprocher de Good Bye, Lenin !, sorti en 2003, à cette seule différence que là où le la reconstitution d’une Allemagne de l’Est plus vraie que nature aboutissait à un dénouement heureux, les entreprises réitérées par Yanshi pour reconquérir son épouse échouent. Portée par la belle partition de Qigang Chen et le piano de Lang Lang, cette fresque intimiste revendique un rythme cassé, saccadé, brutal : les époques se traversent de façon immuable, le décor paraît résister à toute volonté de changement. L’appartement, espace privilégié par le film, constitue une zone en dehors du temps, un lieu où se répercutent des noms et des visages, des lettres dans une malle et des photographies encadrées sur les murs. Dans cet espace se rejouera au piano une petite ballade teintée de mélancolie, réunissant pour quelques instants les époux. Parce qu’il condamne l’amour à être vécu en différé, parce qu’il enferme l’amant et l’amante dans deux solitudes que la seule réminiscence du passé commun permet de réunir, Yimou recouvre son œuvre d’aspects mélodramatiques lui conférant un écran de protection – et lui évitant la censure – pour mieux nourrir son fonds, lui brûlant. Coming Home a ce goût d’inachevé qui traduit, par la mise en scène, l’inaccomplissement tragique de ses personnages.