1973 marque aux Etats-Unis non seulement la victoire de Billie Jean King contre Bobby Riggs mais aussi le lancement du magazine féministe et progressiste Ms., l’adoption du "Titre IX", interdisant toute discrimination de nature sexuelle dans les programmes d’éducation, la ratification par le Congrès du "Equal Rights Amendment", visant à garantir l’égalité des droits entre les sexes, et la promulgation par la Cour Suprême de l’arrêt "Roe v. Wade" reconnaissant l’avortement comme un droit constitutionnel.
Battle of the Sexes revient sur le match qui confrontait en 1973 Billie Jean King, alors star montante de 29 ans, à Bobby Riggs, ancien numéro 1 masculin âgé à l'époque de 55 ans. 90 millions de téléspectateurs ont assisté à ce duel qui dépassait le simple cadre sportif, comme l'explique Valerie Faris, co-réalisatrice du film : "Battle of the Sexes raconte à la fois un événement sportif historique et la trajectoire personnelle d’une femme qui évolue sur un plan intime en se retrouvant sous le feu des projecteurs. On voulait évoquer ce double combat – personnel et politique – qu’elle mène parallèlement."
Billie Jean King, très engagée dans le combat pour l'égalité des sexes dans le tennis, a parrainé le Virginia Slims Tour qui, pour la première fois, a permis aux femmes de fixer leurs conditions financières. Elle a aussi fondé la Women’s Tennis Association (WTA) et s’est imposée comme la première joueuse à dépasser les 100 000 dollars de revenus par an.
Au moment du match qui l'oppose à Billie Jean King, Bobby Riggs était alors à la retraite. L'excitation des courts lui manquait, tout comme le fait de ne plus pouvoir laisser libre cours à son esprit frondeur et à son goût pour l’autopromotion. Voyant les femmes occuper de plus en plus de terrain, Riggs décide de provoquer un énorme scandale en déclarant publiquement qu'elles étaient inférieures aux hommes sur le court de tennis. Il était conscient que ce projet était commercialement attractif et que Billie Jean King était sa rivale absolue.
Si Battle of the Sexes se situe dans les années 1970, son propos est plus que jamais d'actualité, comme en témoigne le co-réalisateur Jonathan Dayton : "C’est à la fois un film sur le sport, une histoire d’amour, une chronique socio-politique et même une comédie. 44 ans après cet affrontement sur le court de tennis, les mêmes problèmes continuent d’agiter la société. On a été frappés par le fait que ce show médiatique cristallise autant d’enjeux sociaux majeurs."
Le film parle de tennis mais entre en résonance avec le contexte politique américain actuel "où le débat est si souvent réduit à un jeu ou à un divertissement" explique Valerie Faris. "On est bien plus intéressés de savoir qui va gagner que de connaître les véritables enjeux du débat. On s’est attelé à ce projet pendant les primaires de 2016 à une époque où il nous semblait probable qu’une femme serait élue présidente pour la première fois de l’histoire. Pendant un bon moment, on s’est tous dit que le film montrerait qu’on a vraiment fait du chemin depuis ce fameux match. Bien évidemment, l’issue de l’élection a jeté un éclairage radicalement différent sur cette histoire."
Les deux réalisateurs de Battle of the Sexes ont réuni une équipe essentiellement féminine composée notamment de la chef-monteuse Pamela Martin, de la monteuse son/sound designer Ai-Ling Lee, de la chef-décoratrice Judy Becker et de la chef-costumière Mary Zophres.
Le scénariste Simon Beaufoy s'est entretenu de longues heures avec Billie Jean King : "Après neuf heures de conversation ininterrompue, je ne pouvais presque plus parler, écrire ou bouger mais Billie commençait juste à s’échauffer. Elle aurait pu encore tenir neuf heures. C’est le propre d’une championne. Ce qui m’a le plus surpris, c’est sa tendresse pour Bobby. Ce n’est pas vraiment lui qu’elle affrontait – car elle l’aimait bien au fond – mais tout un système dogmatique impliquant que l’homme était supérieur à la femme. J’ai demandé à Billie de se repencher sur certains épisodes de sa vie qui la mettent encore mal à l’aise pour des raisons évidentes. Il m’était impossible d’écrire ce film sans évoquer sa trajectoire très personnelle, mais elle s’est constamment montrée ouverte et généreuse et elle m’a fait totalement confiance".
Battle of the Sexes est mis en scène par le duo Jonathan Dayton et Valerie Faris. Ce couple à la ville reconnaît s'être "déchiré davantage sur ce projet que sur tous les autres" selon Dayton. Sa partenaire poursuit: "On part toujours de débats et de discussions pour écrire nos projets. Je pense que, sans forcément se l’avouer, on considérait que j’étais la porte-parole des femmes et Jonathan le porte-parole des hommes, même si ce n’est pas vraiment comme ça qu’on a vu les choses. En réalité, il ne s’agit pas d’une compétition. C’est un dialogue ininterrompu qui aboutit à une vision commune."
Emma Stone a pris 7 kg de muscles pour le film et a travaillé avec le coach de Matt Damon sur la saga Jason Bourne. "On était conscients qu’Emma ne pourrait jamais atteindre le niveau de Billie Jean mais on espérait pouvoir restituer la dimension physique de la championne" souligne Jonathan Dayton.
Quant à Steve Carell, s'il était déjà un bon joueur de tennis, il a travaillé avec le véritable coach et ami de Bobby, Lornie Kuhle, et s’est entraîné avec la même raquette Head Master en aluminium des années 70 qu’utilisait Riggs.
Battle of the Sexes réunit à l'écran Bill Pullman, qui incarne le joueur Jack Kramer, et son fils, Lewis Pullman, qui interprète le rôle du fils de Bobby Riggs.
Battle of the Sexes marque d'une part les retrouvailles entre Emma Stone et Andrea Riseborough après Birdman, et d'autre part celles entre Steve Carell et les réalisateurs Jonathan Dayton et Valerie Faris, plus de dix ans après Little Miss Sunshine. Par ailleurs, Emma Stone et Steve Carell se sont déjà donnés la réplique dans Crazy, Stupid, Love, où ils étaient père et fille.
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Les deux réalisateurs tenaient à ce que Battle of the Sexes ait l'air d'un film non pas sur les années 70 mais tourné dans les années 70. Pour cela, ils ont fait le choix de tourner en 35 mm, comme l'explique le directeur de la photo Linus Sandgren : "c’était important d’avoir du grain à l’écran et d’avoir des couleurs très marquées sans avoir à saturer l’image en postproduction. On voulait que l’univers du film soit d’une grande richesse. On a envisagé de tourner en 16 mm mais on a estimé qu’on ne percevrait pas suffisamment les détails des scènes de tennis, si bien qu’on a opté pour le 35 mm. On a aussi utilisé des objectifs des années 70 pour qu’on ait davantage le sentiment que le film a été tourné dans les années 70."
Pour les besoins du film, la chef costumière Mary Zophres a dû recréer les tenues vestimentaires emblématiques des deux joueurs de tennis, dont une paire à laquelle Billie Jean King tenait particulièrement et qu'elle arborait durant le match qui l'opposa à Bobby Riggs : "J’avais des Adidas bleu et j’ai dû me battre pour les porter. Je crois que j’étais la toute première joueuse à porter des chaussures de couleur, si on y prête bien attention, on remarque que le bleu des chaussures s’accorde à mon bracelet. J’étais très attentive à ce genre de détails."
Ce modèle n'étant plus en vente, la production a contacté la marque aux trois bandes blanches qui a accepté de fabriquer une paire spécialement pour Emma Stone.
Même si Emma Stone s'est entraînée pour le rôle de Billie Jean King, elle a été doublée par deux joueuses professionnelles, Kaitlyn Christian et Lauren Kline, qui ont dû adapter leur manière de jouer, comme l'explique King : "Le jeu n’est plus du tout le même. Les raquettes étaient très lourdes tandis qu’à présent, elles sont conçues pour être aérodynamiques. On inculque davantage de technique aux jeunes joueurs, si bien qu’ils ont plus de puissance. À l’époque, on nous apprenait à être très statiques. Par ailleurs, 75% des matchs étaient disputés sur gazon."
Pour Battle of the Sexes, les deux réalisateurs se sont entourés des meilleurs : outre le duo d'acteurs stars, on retrouve au scénario Simon Beaufoy, lauréat de l'Oscar du Meilleur scénario adapté pour Slumdog Millionaire, à la production le cinéaste Danny Boyle et au montage Pamela Martin, nommée aux Oscars pour Fighter. Au générique figurent également le chef-opérateur suédois Linus Sandgren, oscarisé pour son travail sur La La Land, et le compositeur Nicholas Britell, nommé aux Oscars pour Moonlight.
Battle of the Sexes possède plusieurs connexions avec d'autres réalisateurs. Ainsi, le producteur Robert Graf collabore régulièrement avec les frères Coen, de même que la chef costumière Mary Zophres. Simon Beaufoy a signé 2 scénarios pour Danny Boyle (Slumdog Millionaire et 127 heures), qui est d'ailleurs producteur de Battle of the Sexes. La chef décoratrice Judy Becker travaille fréquemment avec David O. Russell (American Bluff, Fighter, Happiness Therapy, Joy) tandis que le compositeur Nicholas Britell est le producteur de Whiplash de Damien Chazelle, dont le film La La Land a permis à Emma Stone de remporter un Oscar. La boucle est bouclée.