La vie de Philippe Aractingi fut marquée par les conflits meurtriers et les déplacements qu'ils engendrèrent. Originaire du Liban, il choisit de devenir photographe à l'âge de 21 ans pour rendre compte des troubles qui agitent le pays. En 2007, il réalisa Sous les bombes, rencontre entre le documentaire et la fiction qui plongea ses acteurs en plein Liban bombardé. C'est après un nouveau bombardement, obligeant une nouvelle fois l'auteur à fuir son pays, que celui-ci envisagea de raconter sa propre histoire via un documentaire autobiographique.
Au-delà des conflits perpétuels, Philippe Aractingi dut affronter l'exil en 2006 de son Liban à Paris. Cette fuite rappela au réalisateur les histoires qu'il a entendues au fil de sa carrière par sa rencontre avec des émigrés polonais ou algériens, dont sa grand-mère qui fuya elle aussi son pays par bateau. Constatant qu'aucune des générations qui l'ont précédé ne furent à même de naitre et mourir au même endroit, il opta pour un documentaire centré autour de ses propres interrogations et par extension, de celles que se pose tout un peuple.
Héritages prit quatre ans à Philippe Aractingi pour se finir. Au cours de ce processus, le réalisateur construisit d'abord une première partie du film sous la forme de'un court-métrage auquel il ne donna pas suite. Lorsque sa fille vint l'interroger sur les raisons réelles de leur exil, Aractingi choisit une réponse qui lui fut conseillée par quelques psychanalystes : transférer la douleur de l'exil au travers d'une représentation. Il proposa pour cela à ses enfants d'incarner ses aïeux et demanda l'avis de toute la famille afin de construire Héritages à l'unisson.
En plus de parler de l'exil de sa famille, Philippe Aractingi a voulu évoquer l'Histoire de son Liban natal, transmise selon son réalisateur de manière terriblement incomplète dans les manuels scolaires (ceux-ci s'arrêtant à l'indépendance du pays en 1943). Ainsi, il précise avoir pu diffuser le film dans plus de 70 lycées du pays.
Philippe Aractingi a rencontré Boris Cyrulnik afin d'évoquer avec lui la manière de transmettre son déracinement à ses enfants. Celui-ci, psychiatre et psychanalyste français, né de parents immigrés juifs d'Europe, a prôné auprès du cinéaste ce qu'il nomme "le détour par le tiers", soit la sublimation d'une souffrance par l'Art. Il lui a aussi enseigné les deux erreurs qu'il voit comme à éviter en priorité quand on veut transmettre un passé douloureux : "ne pas en parler et trop en parler".