Huit années ont passé depuis le magnifique Paranoïd Park et son Prix du 60ème Anniversaire. Huit ans que le maître Van Sant ne s'était pas présenté à Cannes avec un film en compétition et The Sea of Trees faisait partie des grandes attentes de cette cuvée 2015 ! Pour cela, le cinéaste s'éloigne un peu de l'Amérique pour s’exiler au Japon, plus particulièrement dans la forêt des songes d'Aokighara, afin de plonger le spectateur dans une sorte de périple métaphysique propre à celui du réalisateur. Avec Gerry ou encore Last Days, Gus Van Sant nous plongeait déjà dans un univers isolé, où la Nature semblait engouffrer à elle seule la plus petite part des protagonistes présents à l'écran. On retrouve cette ambiance dans The Sea of Trees, ajoutant cette touche mystique très propre à la culture japonaise dans son rapport à la nature et à la mort (symbolisme de l’orchidée et jeu sur la traduction japonaise très poétiques). Dans une teinte grisonnante, quelques faisceaux de lumière transpercent la dense végétation afin de représenter l'état d’esprit dans lequel se trouve Arthur, personnage usé par une vie pleine d'incompréhension. S'il y a bien une chose qu'on ne retirera jamais à Van Sant, c'est cette faculté de représenter ces états de solitude, ces instants où ses personnages se retrouvent confrontés à leurs problèmes, sans véritable choix dans les solutions, où la vie constitue cette fatalité parfois entrecoupée d'espoir… Comme à son habitude, le choix du cadre est précis et le travail sur la photographie est honorable chez le cinéaste. La forêt est filmée de manière vraiment remarquable, nous laissant toujours cette étrange impression d'assister à une fresque à la fois réaliste et allégorique. La relation entre le citoyen américain et japonais est assez prenante : Matthew McConaughey et Ken Watanabe tissent un lien particulier où l'Humain se retrouve réuni dans une seule et même question, celle de la mort, déjà évoquée avec le personnage du kamikaze fantôme dans le beau Restless.
Hélas, malgré une volonté évidente de construire un film intelligent et touchant un grand audimat, Van Sant finit par se perdre dans des banalités indignes d'un cinéaste de renom ! À travers des flashbacks récurrents et dénués de toute fibre émotive, The Sea of Trees tombe progressivement dans la comédie romantique de seconde zone, où le spectateur découvre les dérives affectives du couple Matthew McConaughey/Naomi Watts, assez peu convaincant à l'écran… De plus le surjeu constant de ce couple contribue grandement à faire oublier le sujet initial du film. Complètement déséquilibré dans son écriture, le film finit par ennuyer, tant par son montage insipide que par son manque de fond. Le contemplatif n'a d'intérêt que si ce qui est montré arrive à transmettre des émotions… ici, on ne trouve rien à tirer des images car l'on se détache tellement de la relation nippo-américaine qu'elle finit par ne devenir qu'un simple marque-page. Ajoutons à cela une Bande-Originale lourde et impersonnelle, ainsi qu'une voix-off mal utilisée et l'on obtient les défauts les plus évitables auxquels le réalisateur aurait dû se confronter !
Si la délicatesse et le talent de Gus Van Sant permet à The Sea of Trees de proposer de belles choses, elles ne suffisent pas à faire de lui un grand film ! Constamment en dent de scie, oscillant entre séquences joliment orchestrées et scènes ultra-clichées, l'écriture reste la grande faiblesse de ce seizième long-métrage. Si le côté métaphysique du couple Watanabe/McConaughey arrive à nous emporter, le couple McConaughey/Watts est assez peu convaincant. Sans mériter les sifflés subis lors de sa projection, The Sea of Trees reste quand même en dessous de ce qu'est capable de produire ce grand cinéaste…
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