Pour son premier long-métrage, La résistance de l’air, Fred Grivois livre un polar inspiré. Affichant une lenteur maîtrisée, il distille de main de maître une ambiance diffuse de film noir, aidé en cela par l’interprétation magistrale de Reda Kateb et Johan Heldenbergh qui portent le film sur leurs épaules solides.
Vincent (Reda Kateb que l’on a vu en chauffeur de taxi dans le magnifique Lost River) est champion de tir à 300 mètres au fusil. Alors qu’il va disputer les championnats européens pour la première fois, Renaud (Johan Heldenbergh), un nouvel adhérent du club à qui il se confie sur ses problèmes d’argent et de couple, va lui proposer un job très particulier.
La résistance de l’air n’est pas que celle d’un principe physique et balistique. C’est aussi une résistance à l’air du temps. On serait tenté de dire que le film de Fred Grivois incarne la résistance à une tendance de fond consistant à vouloir imposer des rythmes soutenus et des scènes tonitruantes dans tous les domaines. Y compris, dans le film noir, genre cinématographique qui convient pourtant particulièrement à une mise en place plus introspective. Le thriller de Grivois ne se perd pas en multipliant les arcs scénaristiques ni en donnant dans le spectaculaire à tous prix. Le réalisateur privilégie un style presque naturaliste, sans fioriture. Le scénario relativement simple donne aux interprètes toute l’amplitude nécessaire pour se révéler. Il y a des films sertis d’artifice pour pallier le mauvais jeux des acteurs et d’autres, comme La résistance de l’air, qui sont pensés, conçus pour laisser un maximum de place au jeu des comédiens. Kateb et Heldenbergh habite littéralement leurs rôles. Il y a dans La résistance de l’air, une ambiance qui pousse les acteurs à devenir l’incarnation même du film.
La simplicité du scénario est alors le catalyseur des acteurs. Kateb est saisissant, si bien que l’on adhère même à l’idée qu’il accepte facilement le contrat proposé par Renaud. Tout au long du film, il cultive une impression de mystère qui le rend ténébreux, au bon sens du terme (pas celui du loup-garou de Twilight), nimbé de mystères, répondant à des impératifs moraux qu’ils semblent seuls à même de comprendre. Quant à Heldenbergh, son jeu nerveux, tout en retenu et à la foi au bord de l’éclatement, le rende captivant. A l’instar de Vincent, on ne peux que se laisser happé par le gangster, à la fois inquiet mais capable de le suivre jusqu’au bout tant il devient charismatique. Seuls ombres à ce tableau idyllique, l’écriture faiblarde du rôle de Delphine, la femme de Vincent (Ludivine Sagnier) couplée à quelques clichés du genre que l’on considérera comme des erreurs de débutant, à savoir l’inévitable séquence en boite de nuit et l’affirmation virile du mâle alpha sommeillant, nuisent par instant au récit.
Très prometteur pour un premier film, La résistance de l’air a grandement bénéficié de la collaboration antérieure de Grivois et Kateb. Le premier ayant réalisé le générique et quelques séquences de Un prophète de Jacques Audiard, où il rencontra le second. Écrit pour celui-ci, ce polar français sombre et bien ficelé confirme Reda Kateb dans l’excellence.
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