Le metteur en scène Christophe Cupelin explique d'où lui vient son intérêt pour le Burkina
Faso et le chef d'état atypique assassiné en 1987 Thomas Sankara : "Je me suis rendu une première fois au Burkina Faso en 1985. La découverte de la révolution Burkinabé fut un choc et une révélation pour le jeune homme de dix-neuf ans que j’étais. Pour tous ceux de ma génération, africains ou non, qui ont connu Thomas Sankara, il représentait alors non seulement l’espoir d’une société plus juste au Burkina Faso mais encore l’espoir d’un monde meilleur pour tous. Ce président innovant qui parlait avec verve et humour de problèmes sérieux, notamment à la radio nationale du Burkina, a laissé une trace indélébile dans ma mémoire."
Thomas Sankara était un chef d’Etat atypique dont la renommée a littéralement traversé les frontières de son pays et du continent africain. L'homme politique anti-impérialiste était considéré comme le porteparole des laissés pour comptes :
"C’était un révolutionnaire anti-conformiste, même vis-à-vis de son propre camp. Par sa probité, son intégrité et son charisme, il a été celui qui a « osé inventer l’avenir », selon sa propre formule. Il appartenait à la nouvelle génération apparue en Afrique dans les années 1980, de jeunes militaires révolutionnaires épris d’intégrité et de liberté. « Sans formation politique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance », disait-il, marquant ainsi sa différence. Ses déclarations ont fait trembler les pouvoirs et inquiété les chancelleries, au nord comme au sud. Et sa mort aux accents tragiques a contribué à faire de lui une figure mythique de l’histoire contemporaine africaine adulée par les jeunes Africains. Aujourd’hui, la majorité des Burkinabés gardent de Thomas Sankara l’image d’un homme intègre, qui a changé les mentalités de ses concitoyens et donné une dignité à son pays. Une image et un idéal qui résistent au temps, Thomas Sankara étant toujours perçu comme le « père » fondateur de la nation", note Christophe Cupelin.
Christophe Cupelin a choisi de raconter l'histoire de Thomas Sankara via le cinéma. Il explique pourquoi : "C’est lors du séjour initial au Burkina Faso que j’ai tourné mes premières images en super-8 et que j’ai décidé de « faire du cinéma ». Aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, ce film me ramène aux origines de ma pratique cinématographique, aux espoirs qui nous habitaient alors, à ce temps où l’histoire semblait s’écrire en direct… Pour ce qui est de la matière première, j’ai eu la chance de pouvoir compter sur des images d’archives remontées à la surface en 2007, année du vingtième anniversaire de sa mort. En effet, jusqu’alors, les traces audiovisuelles concernant Sankara et la révolution Burkinabé avaient disparu ou étaient du moins restées invisibles. Cette année-là, des archives importantes, libres de droits, sont apparues sur Internet ; deux films pour la télévision, contenant chacun leur lot d’images inédites, ont été réalisés en France, et j’ai moi-même trouvé de nouvelles archives."
Le film s'articule autour d'images d'archives qui sont très importantes parce qu'elles permettent de découvrir Thomas Sankara à l’oeuvre et son importance en Afrique. Grâce à elles, le spectateur peut comprendre à quel point le charisme propre à cette personnalité crève l'écran. Elle nous renseigne également sur la manière dont il était perçu par les médias occidentaux – surtout français – durant les années 80.
Pour Christophe Cupelin, Thomas Sankara constitue une référence pour la jeunesse. Le metteur en scène souhaite, via son film, faire passer les messages suivant : démystifier l’homme et en même temps apporter une référence à tous ces jeunes, afin qu’ils se servent des aspects positifs de la révolution et évitent les erreurs qui auraient pu être commises lors de la révolution.
Capitaine Thomas Sankara aborde également le mystère autour la mort du président Sankara : "On peut tuer un homme, mais on ne tue pas ses idées: cet adage s’adapte parfaitement bien à la figure de Thomas Sankara qui nous lègue une expérience sociale et politique complètement nouvelle et totalement singulière. D’une certaine manière, Sankara existe encore bien plus en étant mort que vivant. Il s’agit désormais de restituer la mémoire de sa parole à la fois aux Burkinabés et à l’ensemble de la communauté internationale", confie Christophe Cupelin.