Il s'agit du premier long métrage réalisé par Lucie Borleteau. La jeune cinéaste avait auparavant dirigé quelques courts (Nievaliachka - la poupée qui ne tombe pas, Les Voeux) et travaillé avec de grands cinéastes comme Claire Denis ou Arnaud Desplechin.
L'idée du scénario de Fidelio, l'odyssée d'Alice est venue à l'esprit de la réalisatrice suite à l'entrée d'une de ses amies à l'école de la Marine Marchande. Elle souhaitait réaliser un documentaire sur le sujet, puis s'est ravisée, lorsqu'en rencontrant des marins elle découvrit les enjeux du métier. Lucie Borleteau raconte : "Longtemps j’ai pensé réaliser un documentaire. J’ai rencontré des hommes et des femmes qui naviguent ou ont navigué, je les ai écoutés parler du métier, du monde, des difficultés ou des joies à concilier la vie de marin et la vie amoureuse. Et je me suis lancée dans l’écriture d’une fiction."
Lucie Borleteau et la scénariste Clara Bourreau ont travaillé deux longues années sur l'écriture de Fidelio, l'odyssée d'Alice. Pour s'imprégner de la vie maritime, la réalisatrice a embarqué au bord d'un porte-container et pendant deux semaines, a navigué sur l'Atlantique. De véritables marins et experts maritimes étaient également présents sur le tournage du film en tant que consultants.
Ne souhaitant pas tourner le film dans un studio (par souci d'authenticité), Lucie Borleteau et son équipe ont investi un véritable cargo de la Marine Marchande : "Un bateau de l’âge du Fidelio (20 à 30 ans) encore en activité : un décor habité, patiné, qui avait une âme", explique-t-elle. Mais, tourner sur un bateau, en pleine mer qui plus est, n'a pas été sans difficultés. L'exiguïté du cadre, le faible éclairage et les nuisances sonores liées au vent ont quelque peu compliqué l'exercice.
Le Fidelio, le bateau sur lequel se déroule ce huis-clos maritime est, selon les explications de la réalisatrice, un personnage à part entière : "Le Fidelio est un personnage que j’ai ausculté pendant tout le film, il a un destin – quand les marins parlent de leur navire, ils en parlent souvent comme d’une personne. Du point de vue de l’intrigue amoureuse, le bateau est un huis-clos qui devient au gré des sentiments d’Alice son paradis ou son enfer. En ce lieu unique, le désir, l’amour, la mort. La vie, donc."
C'est après avoir vu Ariane Labed dans Attenberg que Lucie Borleteau décida de lui offrir le rôle d'Alice. "Lorsqu’elle est descendue en bleu de travail dans les machines d’un bateau pour les essais, j’avais la caméra en main et c’est devenu évident : j’avais envie de la filmer, comme on peut avoir envie de peindre un portrait. Il y avait mon désir, et il y avait son mystère, son talent, son corps longiligne et son regard profond, sa voix, et ses épaules qui avaient la carrure de la femme marin dont j’avais rêvé, féminine et sensuelle, exerçant sans forcer un métier viril dans un univers masculin", ajoute-t-elle.
Lucie Borleteau ne se voyait pas tourner son premier long métrage dans un format autre que le format scope. Elle confie : "C’était surtout le format idéal pour la mer et les horizons monstrueux de la salle des machines, et curieusement aussi pour les décors étroits du bateau, coursives, cabines : la largeur de l’écran renforce l’impression de claustrophobie. Le scope produit des cadres intéressants pour les scènes de groupe."
Fidelio, l'odyssée d'Alice a été présenté en compétition au Festival international de Locarno en 2014. Le film y a remporté le Label Europa Cinemas, et l'actrice principale, Ariane Labed s'est vue décorée du Prix d'interprétation féminine.