"La Forza del Destino"... L'ouverture célébrissime de l'opéra de Verdi (déjà utilisée pour le "Manon des Sources" de Claude Berri) débute et clôt ce "Viva la Libertà" (et le ponctue, à plusieurs reprises), où Roberto Andò porte à l'écran son propre roman (à succès), "Il Trono vuoto".
Le « destin », ici, est celui du politicien Enrico Coveri, un sexagénaire psychorigide, parlementaire et secrétaire du principal parti italien d'opposition, de centre-gauche. En chute libre dans les sondages, pris à partie lors d'un meeting par une spectatrice vitupérante, il a un gros coup de blues et disparaît, laissant son bras droit, le dévoué Andrea (Valerio Mastandrea - excellent), gérer la situation. Celui-ci demande alors au frère jumeau (monozygote) de Coveri, Giovanni Ernani, d'assurer l'intérim, ne mettant dans la confidence qu'Anna (Michela Cescon), l'épouse d'Enrico, puisqu'ils vont cohabiter. Mais cet intellectuel, fantasque et bipolaire, fraîchement sorti d'une clinique psychiatrique, lui réserve bien des surprises, prenant sa tâche avec une conscience.... originale. Pendant que Giovanni, en Enrico, délaisse la langue de bois pour la vérité (lyrique et prophétique) et devient illico le chouchou du peuple (mais pas que - une entrevue avec la chancelière allemande devient ainsi un exercice endiablé de danse de salon), le vrai Enrico est à Paris, ayant trouvé refuge chez une ancienne maîtresse, Danielle (Valeria Bruni Tedeschi - pas très à l'aise). 25 ans plus tôt, il pensait à faire carrière dans le cinéma ! Danielle, qui est toujours scripte, l'emmène sur un tournage en province. Une séance vespérale de piscine avec la charmante Mara (Judith Davis) aura sur lui l'effet d'une onde lustrale....
Cette fable cinématographique aborde de nombreux thèmes. Les principaux étant les aléas du pouvoir, et les effets mystérieux et complexes de la gémellité. Sur la critique (acérée et cocasse) de la classe politique (en général - pas qu'italienne !), le résultat est plutôt réussi. En revanche, l'étude psychologique (Enrico/Giovanni et leurs femmes) est moins alerte, le trait en étant plus épais.
L'interprétation éblouissante de Toni Servillo, bluffant dans le rôle des 2 jumeaux, et comme toujours extrêmement subtil (ce qui fait merveille dans ce portrait en partie double - à évolution, physique, et de caractère) rattrape beaucoup des imperfections du scénario (invraisemblances, longueurs, lourdeurs..).