Fait suffisamment rare pour être souligné : le réalisateur du film est aussi l'écrivain du livre ayant inspiré le film. Robert Andò a pris tellement de plaisir à bâtir son histoire qu'il s'est mis en tête de la mettre en image en mettant au service de son scénario, l'un des acteurs italiens les plus en vue du moment, Toni Servillo.
Enrico Oliveri, alias Toni Servillo, est un homme politique de premier plan en Italie. D'importantes échéances approchent et les sondages malmènent un peu les nerfs de ce tribun anxieux. Dans cette atmosphère de tension où il sent que son image s'effrite et que la confiance qu'on lui accorde n'est pas celle qu'il attendait à ce moment, Enrico est victime d'une sorte de "burn out" bien que rôdé aux coups fumeux du pouvoir. Celui-ci décide tout bonnement de disparaître en plantant tout son staff, pour se réfugier à Paris, quai Saint Michel, chez une amie avec qui il vécut jadis une tendre romance, campée par Valeria Bruni-Tedeschi, pleine de compassion et d'attentions.
Mais à Rome, l'entourage du politicien bouillonne en voyant, à chaque heure supplémentaire sans nouvelle d'Oliveri, la probabilité de victoire aux élections de ce dernier s'éteindre doucement. Dans l'urgence, ses proches tentent de trouver une solution pour pallier cette disparition aussi soudaine qu'inquiétante, quand l'épouse d'Oliveri, mal barrée pour devenir prima donna, suggère au bras droit du parlementaire volatilisé de contacter le frère jumeau d'Enrico Oliveri, histoire de voir si celui-ci n'accepterait pas de prendre la place du frérot, en attendant qu'il soit dans de meilleures dispositions. Seulement, le jumeau, philosophe de son état, est bien moins classique et langue de bois que son politicien de frère, puisque sortant d'un hôpital psychiatrique, souffrant de bipolarité, plein de bonne volonté mais pas si facile à gérer dans un tel contexte.
Toni Servillo est brillant dans ce double rôle, notamment dans celui du jumeau fantasque qui terrorise Valerio Mastandrea ( le bras droit d'Oliveri ) dès lors qu'il s'autorise une initiative face à l'opinion publique.
Fraîche comédie italienne donc, intelligemment conçue et qui rappelle étrangement un vieux film de Pierre Tchernia, "La gueule de l'autre" où Michel Serrault, politicien là aussi, disparaissait pour être remplacé au pied levé par son cousin germain, obéissant aux ordres d'un dictatorial Jean Poiret.
Le thème de la fuite, de l'abandon pèse avec légèreté sur ce film et les acteurs entourant Servillo oscillent entre angoisse et sourire aux vues du comportement anormalement rock n'roll de leur idole politique. L'on ne peut s'empêcher de penser là encore, à "Habemus Papam" de Nanni Moretti dans lequel Michel Piccoli tout juste élu Pape, se faisait la malle dans Rome, à la barbe de tous les cardinaux vermillons et à celle des carabinieri, préférant finalement un anonymat austère à un poste de représentant sur lequel les yeux de milliards de clients focaliseraient leurs espoirs de félicité.