Attention spoilers !
A l'occasion de la sortie DVD de Tusk, film que j'ai vu il y a quelques temps déjà, j'ai décidé de faire un petit retour dessus et d'en faire une critique l'incluant ainsi dans mes critiques ciné de 2015. Certains DTV qu'ils soient bons ou mauvais mérite que l'on en parle car il peuvent parfois apporter des choses intéressantes et parfois leurs absences de sorties en salles peuvent paraître obscures face à l'immense qualité du film ( Filth je pense à toi ). Sauf qu'ici on comprend très vite pourquoi le film n'est qu'un DTV, car vaguement inspiré de The Human Centipede, il se montre être un film malade qui à du mal à savoir où il va et qui ne connait que de rares fulgurances. En ça le film résume parfaitement la carrière de son cinéaste, Kevin Smith, qui en dehors de quelques réussites en début de carrière ( Clerks et Dogma ) a ensuite basculé dans des films allant du sympathiques divertissements ( Clerks 2, Mallrats ) aux navets purulents ( Cop Out, Jersey Girl ). Ici le film se situe quelques part entre les deux comme l'avait déjà fait Smith pour Zack and Miri Make a Porn ou Jay and Silent Bob Strike Back. Car les principaux problèmes viendront du scénario qui veut très clairement trop en mettre, entre parodie de The Human Centipede assez loufoque, film d'horreur sérieux et malsain, critique social très satirique et drame humain touchant, le film ne fait que jongler avec tous ses sujets sans arriver à en traiter un convenablement. Ce qui fait que le film ne sera jamais pleinement satisfaisant dans ce qu'il essaye d'entreprendre, ce qui est dommage car prisent séparément les scènes sont vraiment bonnes, du moins pour la plupart et surtout celles de la première partie du film , mais un fois mise bout à bout tous cela perd en cohésion et manque de se casser la gueule. Parce que par exemple, lorsqu'une scène comique est vraiment bonne, elle est instantanément étouffé par un moment bien glauque comme les moments malsains assez réussis à chaque fois sont désamorcés par un moment comique qui vient juste après. Le film n'arrête jamais de ce tirer une balle dans le pied à tel point que l'on n'arrive jamais à s'impliquer dans le film et au final c'est un ennui poli qui s'installe et qui vient achever le film car jamais rien ne décolle. Pourtant le propos assez original du film aurait pu laisser place à toute les excentricités mais aucunes occasions n'est saisi par le film que ce soit dans l'humour absurde, le gore ou la critique social. D'ailleurs cette dernière est extrêmement facile offrant le film assez laborieusement avec cette critique de ses jeunes losers qui cherche la célébrité à tout pris via les réseaux sociaux et qui se voient moquer par d'autres losers qui font de ça leurs gloires et leurs métiers. Même si cela souligne bien l'aspect abrutissant de notre époque qui glorifie la moquerie et la méchanceté gratuite, où avec l’émergence des réseaux sociaux tout est prétexte à jugement et permet de faire la gloire de personnes sans talents et méprisantes, cela souligne aussi la pauvreté des dialogues. Ce qui avait été la force de Smith est ici sa faiblesse, il était un dialoguiste hors pair mais ici il peine vraiment à rendre ceux là mémorable et les affrontements verbaux manque cruellement de force. De plus sa critique social et ses blagues sur les canadiens peinent véritablement à être drôle. Sinon les personnages sont tous antipathiques mais néanmoins certaines relations sont vraiment fascinantes comme celle entre le bourreau et sa victime qui manque malheureusement d’approfondissement mais qui sont est à l'origine des meilleurs scènes du film. D'ailleurs certaines scènes de tensions sont vraiment bien foutus et le côté malsain et dérangeant est magistralement retranscrit avec des scènes presque insupportables malgré leurs aspects grotesques. Comme celles de l’apprentissage de " l'homme morse " qui malgré un costume pas convaincant du tout qui prête plus à rire, se montrent saisissantes par l'horreur et la tragédie humaine qu'elles dépeignent. C'est ici que se trouve les vrais questionnements psychologiques du film avec l'interrogation de jusqu'où peut aller l'instinct et la volonté de survie face la folie humaine. Malheureusement c'est aussi fait de manière trop succincte dans le film car celui-ci préfère faire un montage parallèle avec la recherche du personnage principal par ces deux amis et un détective québécois à la ramasse et lourdingue. Le personnage de la petite amie est plutôt réussi, on s’identifie assez vite à elle et à ce qu'elle traverse mais sa relation avec le meilleur ami de son petit ami, personnage insipide au possible, tourne au cliché et est assez inintéressante tandis que le personnage de Guy LaPointe, le détective, est tout bonnement absurde et inutile. De plus dès que ce personnage entre en jeu le film finit de plonger dans l'absurde le plus totale mais en étant jamais drôle tombant même dans un humour gras assez lourd et gênant pour nous mener vers un final incohérent, stupide, maladroit et pourtant assez profond. En faite ce final est à l'image du film intense dans sa démonstration de folie et barbarie humaine, poignant moment où les personnages découvrent ce qui reste de leur ami sous forme de fausse conclusion, d'ailleurs le film aurait dû se conclure au moment du cut de la scène cela n'en aurait été que plus brillant. Mais voilà comme le reste du film il a volonté de trop en faire donc nous offre un épilogue sous forme de saut dans le temps assez stupide et maladroit car il n'est possible que par un choix totalement bête des protagonistes, même si ça peux souligner le faite de, oui la jeune génération est stupide et prend des mauvaises décisions, cela manque cruellement de cohérence. Et pourtant cette fin trouve une forme de grâce avec un dernier plan symbolique vraiment poignant qui souligne à merveille toute la bêtise, la tragédie et la cruauté humaine et de la vie mais aussi paradoxalement sa noblesse et sa force avec un homme condamné à un sort horrible qui préfère cacher sa tristesse et sa part humaine pour épargner ses amis, le sacrifice dans tout ce qu'il à de plus tragique et de plus pur comme quoi même derrière le plus parfait des enfoirés se cache une part d'humanité et cette fin très métaphorique souligne toute l'intelligence du film. Et c'est là tout le handicap du film qui parfois sait ce montrer malin et subversif pour ensuite plonger dans la stupidité, les mauvais choix et la paresse. Sinon le casting est globalement excellent même si Haley Joel Osment est aussi fade que son rôle et que Johnny Depp en fait encore une fois trop dans son cabotinage que ça en devient gênant. Mais malgré ça Génesis Rodriguez s'impose avec justesse tandis que Justin Long et Michael Parks sont parfait. L'un arrive à composer un personnage abjecte mais malgré tout attachant grâce aux nuances de son jeu et il arrive même à se montrer poignant en retranscrivant la détresse de son personnage avec une rare juste et l'autre brille par la folie qui émane de lui avec un jeu de regard terrifiant qui passe de la folie pure à la candeur enfantine avec une grande aisance. D'ailleurs Parks nous offre un cabotinage contrôlé assez impressionnant et il est clair que ce rôle à été écrit pour lui et il le maîtrise jusqu'au bout des doigts offrant une prestation époustouflante. Pour ce qui est de la réalisation on est dans du générique, la photographie est insignifiante, la bande son minimaliste et qui ne marque pas les oreilles tandis que le montage parallèle handicap souvent le rythme du récit. Sinon la mise en scène de Kevin Smith manque cruellement d'idées, elle se montre classique dans ses procédés et ce révèle même assez fade. Smith peine véritablement à donné vie à son récit tombant souvent dans le kitsch et les séquences molles qui ne font que du champ/contrechamp et la tension ne vient jamais vraiment de la mise en scène mais bel et bien des acteurs. Ici elle est purement fonctionnelle et elle fait le strict minimum. En conclusion Tusk est un film moyen, même si je l'ai d'ailleurs revu à la hausse depuis mon premier visionnage où je ne lui aurait pas donné la moyenne, mais c'est véritablement un film qui offre des pépites insoupçonnés grâce à un propos pas si bête et assez fort. Néanmoins les mauvaises idées sont nombreuses et viennent étouffés les bonnes mais malgré tous une grâce émane de l'ensemble, un charme diffus et cruel qui perturbe ainsi qu'il questionne sur la génération actuelle et sur le genre humain en général dans tout ce qu'il a de plus imparfaits mais aussi de plus beaux. Un film malade en somme mais c'est en partie ce qui en fait sa force, un OVNI bancal et maladroit mais au final assurément attachant à l'image de son cinéaste mais qui reste néanmoins en perte de vitesse et qui n'arrive plus à retrouver le talent d'écriture de ses débuts.