Si j’évite de manière générale d’aller voir des films français, c’est précisément pour éviter d’aller voir ce type de production, arrogante et vaine. Pour éviter d’entendre la réalisatrice dire, à une salle visiblement pas convaincue, qu’elle a cherché avant tout le « réalisme », alors qu’on accumule cliché sur cliché, sans fil directeur construit (je doute par exemple qu’un serveur, au premier regard et pratiquement à la première scène, aborde avec tant de désinvolture une cliente) ; la « sensualité », alors que les scènes de sexe n’avaient aucun esthétisme et étaient, dans le fond, de par le manque de sentiments sincères des personnages l’un pour l’autre, assez brutales (une d’entre elle est tellement pêle-mêle, avec des bras et des jambes et des roulades partout, qu’elle ne traduit pas une soi-disant urgence poétique, mais le côté presque bestial de la relation) ; la « conquête de liberté » du personnage principal qui, dans les faits, au lieu de couper les ponts, revient régulièrement chez son oncle violent quand elle a besoin de lui, et s’enferme toute seule dans un cycle infernal de petits amis immondes qu’on avait vus venir à 3 kilomètres, mais qui l’arrangent bien, car elle est dépendante de l’argent. Les relations que ce personnage construit et défait avec tant de facilité sont, sans aucune exception, motivées par son capital financier proche de zéro, parce qu’elle n’est pas libre. Elle ne conquiert rien. Ce film montre en fait à quel point elle dépend de l’argent. Mais tous ces prétendus réalisme et sensualité et liberté, j’étais là quand la réalisatrice nous les a, avec suffisance devrais-je mentionner, décrits et vantés ; j’avais l’impression d’avoir vu un tout autre film qu’elle. Un film dans lequel le personnage principal n’a aucune consistance, aucune profondeur psychologique, et profite de tout le monde, tout comme tout le monde profite d’elle (les amitiés sont brèves et vouées à l’échec
: par exemple, Lina se fait une amie royaliste dont, une fois qu’elle lui a loué un appartement, on n’entendra plus jamais parler
). Et si encore le film était une peinture sombre et cynique de notre société (ou même de celle des années 90, ce qui honnêtement ne se sentait pas : les séquelles de la guerre du Liban sont notamment complètement éludées, parce qu’apparemment la guerre n’est « qu’un concept », je cite toujours la réalisatrice), j’aurais pu apprécier, mais on ne sent ici aucun cynisme, ni même aucune revendication de manière générale : il y a un vide fondamental de l’intention. Il y a également une absence totale d’évolution : les cours auquel on assiste sont en eux-mêmes conceptuellement intéressants, mais le personnage n’en tire strictement rien, ce qui d’ailleurs n’est pas surprenant, puisqu’après tout, la réalisatrice ne va « pas au cinéma pour réfléchir ». Mais, de toute manière, la trame de manière générale est une juxtaposition froide de scènes et de relations proches tour à tour de la prostitution (pour les supposés amours) et de la relation d’intérêt (pour les supposés amis), ce qui, en toute logique, ne rend aucun personnage agréable (à part peut-être les royalistes, qui ont quelques répliques comiques). En résumé, et je pense que mon long paragraphe en atteste, j’ai, avec une sincérité totale, tout détesté. Je ne trouve rien qui puisse justifier une seule seconde le financement de ce film et le déplacement du public. Et ce film me répugne et me choque d’autant plus que ce qu’il représente est fondamentalement irréaliste et pervers, et que la réalisatrice semble ne même pas s’en rendre compte.