Encore un mal aimé de Fritz Lang, et certainement parce qu'il ne fait pas partie des classiques homologués comme M le maudit ou Metropolis, ni même des films plus discrets dont sont adorateurs les grands admirateurs de Lang, comme Le Secret derrière la porte ou Règlement de comptes.
Et pourtant, Désirs humains est l'un de ses plus beaux films, l'un des plus forts et des plus terribles.
Une nouvelle fois, Fritz Lang suit les traces du grand maître français Jean Renoir, neuf ans après avoir réalisé La Rue rouge, remake de La Chienne de Renoir (1931). Il s'agit d'une autre adaptation de La Bête humaine de Zola, avec Gloria Grahame dans le rôle de Séverine Roubaud (ou l'équivalent) et Glenn Ford en Jacques Lantier. Désirs humains marquent leurs retrouvailles après l'excellent Règlement de comptes, dont le ton est presque similaire : jeu de séduction ambigu entre les deux personnages, désir de vengeance trouble chez Gloria Grahame... Son personnage apparaît d'abord comme une femme fatale (aucun doute là-dessus, Lang est suffisamment clair), mais ni méchante, ni cruelle. Cependant, sa haine montante la rend de plus en plus terrifiante. Quand elle se révèle pleinement telle qu'elle est, elle ne parvient tout de même pas à inspirer de l'aversion pour son personnage, qui a toujours feint la fragilité et la faiblesse; C'est toujours la thématique d'une culpabilité trouble qui se dégage du film, et le spectateur a même de l'empathie pour le "méchant", qui est plus bête qu'autre chose (le terme de bête convient parfaitement à la situation comme le suggère les différents titres). Pour le rôle pathétique du mari, Broderick Crawford convient parfaitement : il a tout à fait la tête de l'emploi.
La thèse naturaliste de Zola est remplacée par le traumatisme de la guerre, qui fait qu'il serait "facile de tuer un homme", mais apparemment il est plus facile de le dire que d'accomplir l'acte.
On retrouve l'influence de Renoir dans certaines scènes, notamment la balade nocturne dans la gare, qui se transforme en scène de thriller (partie de cache-cache avec le vigile).
Par ailleurs, le film montre plus qu'un autre le génie technique de Lang, dans les scènes de trains. Et on retrouve sa patte dans la situation désespérée où les personnages cherchent par tous les moyens de s'en sortir, mais les événements s'enchaînent à toute vitesse vers une issue inéluctable, comme un train qui file sans s'arrêter.