Il faut quand même un peu de temps pour "rentrer dans" ce "New World" qui ne distingue pas fondamentalement du tout-venant d'un cinéma policier asiatique qui s'est maintenant abreuvé aux sources du thriller mafieux US (le "Parrain", évidemment) pour le tordre à la manière locale, et en général le sur-complexifier. C'est d'abord la grande élégance formelle du film qui séduit, même si on est évidemment habitué à cette classe folle de la part des Coréens : un minimum de violence - mais mémorable bien entendu -, une narration toute en subtilité qui récompense les facultés d'attention et d'analyse du spectateur, des images très belles sans tomber dans l'esthétisme à outrance, et puis cette direction d'acteurs hors pair, qui fait de chaque personnage une énigme fascinante. Et puis, peu à peu, alors que "New World" se dégage de son modèle évident, "Infernal Affairs", pour s'engager sur les chemins tortueux d'un jeu de poker à plusieurs niveaux et déboucher sur une sorte de vertige moral étourdissant, on se rend compte que ce film est plus singulier qu'il ne le paraissait de prime abord, et surtout plus touchant : l'ultime conclusion, un flashback jouissif sur un passé où tout était plus simple, plus gai, plus "vivant", montre que ce dont nous parlait Hoon-Jung Park depuis le début, c'était bien du caractère mortifère du pouvoir, et de sa relativité, bien ironique.