Bruce Lee est un personnage insaisissable. Caché derrière la mythologie qu’il s’est ingénié à construire pour mieux adosser sa carrière d’acteur (oeuvre largement continuée par sa femme à sa mort), et plus encore derrière les fantasmes que tout à chacun se plait à projeter sur lui. Derrière tous ces masques, la vérité de Bruce Lee restera sans doute inaccessible.
Les deux figures autour duquel se polarise le récit, Wong Jack Man et Bruce Lee, sont un peu caricaturales. Ça manque de subtilité, même si j’ai bien aimé que l’inquiétude de Bruce Lee d’être espionné par la diaspora chinoise est vite démentie. Par ce biais, on en apprend sans doute un peu sur les angoisses mégalomanes, sans doute réelles, d’une star montante qui s’inquiétait de l’accueil de son succès par une Chine moins hostile qu’envieuse de l’Occident. Si leur opposition manque de subtilité, sans doute en raison de l’ego de Lee, leur union sacrée de la fin est encore moins crédible. Bien sûr elle sert un récit qui s’emploie à démontrer la mue du Dragon-Lee après qu’il eut fait la paix avec ses origines chinoises. Mais cela reste très mécanique et on y croit pas beaucoup.
Si le combat final peut paraître un peu caricatural, opposant le style traditionnel de Wong Jack Man appuyé sur des aphorismes abscons et une philosophie zen (en tenue traditionnelle pour l’occasion), et le style hybride de Bruce Lee plus épuré et accompagné de sentences typiquement occidentales (« que fait-on à des hommes qui nous attaquent? « On leur botte le cul » sic.). On saura gré au réalisateur d’apporter une réponse nuancée, pour ne pas dire subtile, sur l’issue du combat. Qui a remporté la victoire? Si Wong a vaincu Lee, alors sans doute le pousse-t-il davantage dans ses travers. Si par une défaite technique il a peut-être réussi à changer Lee plus profondément encore, c’est peut-être une plus grande victoire.
Au fond, ce film ne parle pas moins de la naissance du « Dragon » qu’il n’interroge sur l’héritage qu’il laisse, et pour tout dire je trouve ça pas si mal. En effet, quel genre de « kung fu » (discipline martiale), Bruce Lee laisse-t-il derrière lui? A-t-il démocratisé les arts martiaux chinois à un Occident ignorant, ou en a-t-il dévoyé l’âme? Sans doute un peu des deux. L’élitisme et le repli sur soi des diasporas chinoises n’étaient sans doute pas bonnes, mais l’ouverture à l’occident défendue par Lee a sans doute conduit à quelques écueils (tirant l’art martial vers une pratique sportive menant au combat).
Pas un film extraordinaire, mais plutôt une bonne surprise après avoir lu des critiques si cassantes.