L’eau fait vivre, mais tue aussi. L’air également, et la terre avec. Ces éléments nous sont familiers, vitaux, et pourtant l’être humain cherche toujours le dépassement de soi. Pour cela, il doit passer par un défi aux éléments. Certaines personnes choisissent l’Himalaya et ses quelques sommets à 8000. Ici le dévolu est jeté sur l’Everest, le toit du monde culminant à 8848 mètres d’altitude, bien supérieur au toit de l’Europe représentés par les 4809 mètres du Mont-Blanc. Quoiqu’il en soit, la montagne n’est pas à prendre à la légère, et encore moins l’Everest du fait de sa très haute altitude. Ce sommet n’est pas très difficile à gravir techniquement parlant, si ce n’est quelques passages comme l’inévitable cascade de glace, ou le passage appelé "traversée de la corniche", les principales difficultés résidant dans le vent et le manque d’oxygène, ce qui vaut le nom peu ragoûtant de "zone de la mort" à la partie qui commence à partir du camp IV. Inutile de dire que la période d’acclimatation est plus que nécessaire, laquelle commence par deux semaines au camp de base. L’Everest suscite bien des convoitises, et une minorité d’alpinistes y ont vu l’opportunité de gagner de l’argent en proposant des expéditions certes encadrées mais accessibles à n’importe qui pouvant s’offrir le luxe de monnayer la coquette somme de 65000$. C’est ce que le réalisateur Baltasar Kormákur a choisi de dénoncer au prix de ce qui pourrait passer pour un blockbuster, en s’inspirant de l’œuvre autobiographique de Jon Krakauer, "Tragédie à l’Everest", narration d’un week-end tragique du mois de mai 1996 dont les huit victimes représentent l’exorbitant coût final des dérives de l’himalayisme de masse cette année-là. J’avais entendu parler de cette catastrophe, et je me suis documenté à ce sujet, sans toutefois lire l’œuvre de Jon Krakauer. Mais j’ai pu constater que les faits ont été respectés, excepté la nationalité de Rob Hall (en réalité néo-zélandais), le retour de la japonaise Yasuko Namba probablement déjà morte lorsqu’elle fut ramenée par l’alpiniste kazakh chevronné Anatoli Boukreev, et celui de Beck Weathers, ramené en réalité inconscient par le même homme au camp
avant d’être évacué par hélico, sacré exploit réalisé par celui qui fut considéré alors comme le meilleur pilote du moment au Népal
. Je donne donc ma mention spéciale aux scénaristes Simon Beaufoy et William Nicholson pour s’être tenus au plus près de la réalité, et au réalisateur pour avoir tourné ce film dans des conditions extrêmes. Je donne également ma mention spéciale à Emily Watson (que j’avais déjà remarqué dans "Cheval de guerre") et à Keira Knightley, elles qui ont su donner tant d’expressions à leur personnage respectif. Je salue au passage Jason Clarke pour avoir incarné Rob Hall avec autant de charisme, cet alpiniste au sommet de sa gloire qui est le premier non sherpa à avoir gravi l’Everest à cinq reprises. Sans oublier ni Josh Brolin qui amène de la désinvolture à travers le texan Beck, ni Jake Gyllenhaal interprétant un autre himalayiste chevronné, Scott Fischer
, succombant au mal des montagnes et à un œdème cérébral
. Au prix d’images superbes que seule la montagne peut nous offrir, nous partageons cette fantastique et malheureuse épopée à laquelle je ne suis pas insensible, puisque moi-même j’ai eu la chance de pratiquer l’alpinisme durant quelques années. Et je peux dire, affirmer que vu la façon dont ça s’est passé, la tragédie était inévitable : le mauvais temps était annoncé en J plus 1, mais le temps change très vite en montagne, bien plus vite que partout ailleurs. J’y ai été confronté, ce qui a poussé l’équipe à laquelle j’appartenais alors d’annuler la course de haute-montagne que nous commencions.
Il y a eu donc ici négligence par rapport à la météo. Ensuite, une arrivée tardive au sommet pose des soucis de sécurité pour la redescente quant à la traversée des glaciers. Les rayons de soleil ramollissent le manteau neigeux, démultipliant les risques d’avalanche, et/ou fragilisant les ponts enjambant les crevasses pas forcément visibles. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. J’en conclus que Rob Hall, bien qu’il soit resté avec le retardataire Douglas Hansen, a failli dans sa mission malgré son expérience, qui consiste avant tout à ramener tout le monde sain et sauf en tenant compte de tous les paramètres, chose que visiblement il a omis de faire.
Je reconnais avoir vu ce film sous un angle peut-être différent que la plupart des spectateurs, et c’est aussi pour cela que je mets un point d’honneur à apporter mon avis concernant cette production, plus que n’importe quelle autre. Car je sais que si on ne respecte pas la montagne, si on ne fait pas preuve d’humilité envers elle, elle le fait payer en prenant des vies. "Everest" est donc un très bon film dont les 2 heures passent sans coup férir, donc à la fois réaliste, immersif et distrayant, avec une excellente bande son et une bande originale dont les premières notes du générique du début laisse augurer un spectacle de toute beauté. Pour quiconque ne connait pas l’histoire, le suspense est garanti et pour ceux qui ne connaissent pas la montagne, la vue en 3D peut être intéressante, avec en prime une bien jolie photographie dont certains clichés sont vraiment très proches de ceux pouvant être pris sur le vif.
Et j’aurai donné une note meilleure encore si les scénaristes n’avaient pas programmé un réveil improbable de Beck Weathers, plongé dans un sommeil hypothermique dont le corps ne sort pas tant qu’il est soumis à des conditions aussi extrêmes que celles-ci, incohérence que je considère comme étant une grave lacune. Impardonnable.
Certains commentaires disent que ça manque de spectaculaire par rapport à ce que la bande annonce laissait présager. Cette dernière est assez sage, sans trop dévoiler le film, c'est vrai. Et effectivement le spectaculaire réside surtout dans les décors, les panoramas et les vues plongeantes. Il est déjà très difficile de rendre compte du contexte avec un appareil photo, alors avec une caméra… Cependant, si on parle de spectaculaire question action… je dirai que le staff technique a sans doute choisi de garder une certaine pudeur en mémoire des corps qui reposent encore dans la montagne. On voit des chutes, maîtrisées à l’aide de piolets et je vous assure que c’est très réaliste et que ça n’a rien de bien glorieux. En somme "Everest" est un mémoire très proche de la réalité qui porte sur la plus grande catastrophe qu’ait connu l’Everest jusqu’à cette avalanche du 18 avril 2014 qui a emporté un camp de base. Telle est la nouvelle version de ma critique puisqu'elle a été une fois de plus supprimée par l'équipe de modération. Je reprécise tout de même que ce film retrace des faits connus, et qu'il faudrait alors modérer aussi plusieurs articles sur le sujet sur des sites comme Wikipédia, et divers sites Internet comme journaux et compagnie. Il n'y a donc pas grand chose quant aux surprises de l'intrigue, si ce n'est une belle surprise pour le plaisir des yeux.