La représentation de la violence au cinéma a toujours été une question qui a jalonné les débats cinématographiques de tout temps, liés notamment aux polémiques qu’ont pu susciter la sortie de certains films, qui bien qu’ayant tous une manière différente de présenter cette violence, la filmait de manière très crue devant la caméra. C’est le cas avec « Les poings dans les poches », premier film de Marco Bellocchio, qui avait fait scandale en Italie à sa sortie en 1965, pour avoir représenté le parcours d’un jeune homme pétri d’idées noires, qui songe au meurtre et à l’inceste, au sein même de sa propre famille. Pour ma part, et en prologue à cette critique, j’aimerais dire que je n’ai rien contre la représentation de la violence au cinéma, au contraire, je la trouve justifiée sous toutes ses formes (psychologiques et physiques) quand elle sous-tend les relations dramatiques et qu’elle accompagne ses dernières jusqu’au point de rupture, et qu’elle permet de comprendre les personnages. Sauf que dans « Les poings dans les poches », elle est utilisée de manière totalement gratuite et c’est ce qui me dérange dans le film. Alors que l’on traite d’une haine et de rancœurs refoulées au sein d’une famille, les personnages ne sont jamais développés, aucun contexte ne nous est donné pour les comprendre et on est plongé in medias res dans cette violence, sans que jamais on ne nous explique quelles sont les causes qui l’ont précédé. Le film se réduit donc à un simple empilement de scènes de violence, et passe totalement à côté de son propos car, s’il aurait été intéressant de voir comment la colère grandit chez un personnage qui aurait été brimé dans sa famille, jusqu’à ce que sa violence explose, il n’en est rien ici et les motivations d’Alessandro resteront obscures tant on ne connaît rien de lui et des autres personnages. Pour tout vous dire, j’ai même dû lire le synopsis en début de visionnage pour comprendre le contexte un tant soit peu et pour savoir que les personnages étaient frères et sœurs, ce qui n’est pas normal. On reste donc passif devant cette violence, qui n’est donc justifiée par rien dans le scénario, et qui semble plus être montrée pour choquer le bourgeois que pour faire du cinéma. Si on ajoute à ça que le récit comporte des incohérences absolument ridicules (
Personne ne se doute qu’Alessandro a tué sa mère ? Alors qu’il était seul avec elle, qu’elle est tombée d’une falaise et qu’il avait fait part de ses pulsions de meurtres dans une lettre connue de tous quelques jours plus tôt ? A ce stade-là, si ce n’est pas prendre le spectateur pour un imbécile, je ne vois pas ce qui l’est…
), on est en droit d’être très déçu par ce premier film de Bellocchio. Il y a malgré tout des atouts incontestables au film qui redressent un peu la barque, comme les excellentes interprétations des acteurs, et notamment Lou Castel, habité par son rôle, et la magnifique Paola Pitagora, qui apporte plus d’intérêt tout de même au personnage de Giulia. On a aussi une belle musique du jeune Ennio Morricone et un noir et blanc plastiquement très réussi, et une mise en scène simple, quoiqu’un peu maladroite parfois, de Bellocchio. Mais cela ne suffit clairement pas pour faire un bon film, et bien que chacun ait le droit d’aimer le film, je trouve que 5 étoiles de la part de la presse c’est un peu beaucoup tout de même, à croire qu’il suffit parfois de faire un film en noir et blanc, et de montrer un peu de violence choc, pour les obtenir.