Il faut remonter à 1990 lors de la sortie de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous pour voir avec stupéfaction les studios d'animation légendaires crées par Walt Disney se lancer dans un challenge de taille, raconter la suite d'un de leurs Classiques. Quelque chose qui n'avait jamais été vu à l'époque et que certains fans décriaient déjà comme un irrespect envers les idéaux de l'Oncle Walt (attendez de voir ce qui va se ramener 4 ans plus tard). L'essai ne sera qu'à moitié retransformé avec Fantasia 2000 et Winnie l'Ourson, connaissant eux-aussi le même échec commercial et bloquant logiquement toute possibilité de retenter l'expérience. Mais arrive Rich Moore, ancien réalisateur des Simpson, qui, pistonné par le succès de son excellent Les Mondes de Ralph, va faire part à Disney de son envie de poursuivre l'aventure. Un Zootopie milliardaire plus tard, le projet de suite est officiellement mis sur les rails et attise la curiosité de nombreuses personnes en révélant son sujet central, Internet, et plus largement l'interconnexion. Il y a alors deux cas de figure. La critique pure et dure apportant la réflexion ou le simple décor d'une aventure inoffensive. Deux formes qu'avait maladroitement combiné Steven Spielberg avec son Ready Player One plus tôt dans l'année. Ralph 2.0 cherche le même mélange et résout tous les problèmes auquel il aurait pu être confronté par plusieurs idées. La première, et sans surprise, le film ne se veut pas moralisateur sur ce que doit être le réseau, pas au niveau d'un marteau-piqueur, analysant à la fois ses bienfaits et ses problèmes. La deuxième, Moore estime que ses personnages ne sont pas aptes à comprendre ce qu'est Internet. Ils l'explorent, l'utilisent, visitent ses recoins les plus sombres mais cet univers informatique n'est pas l'enjeu, juste un lieu multifonctionnel qui s'annexe à l'arc principal : La relation entre Ralph et Vanellope. L'ouverture surprend par sa simplicité puisque nous retrouvons notre duo lors d'une discussion ordinaire à la Gare Centrale. Pas de volonté d'en mettre plein les yeux, de grande intro explosive, à peine un récapitulatif, juste un dialogue entre les deux amis qui annonce l'un des changements de ce Ralph 2.0. Rich Moore et Phil Johnston recentrent l'intrigue uniquement sur Ralph et Vanellope, abandonnant les points de vue du premier film qui alternaient avec Felix et Calhoun ou Sa Sucrerie. La narration s'en tient au colosse et à sa camarade, particulièrement cette dernière qui connaît à son tour une crise existentielle. Malgré les apparences, le dilemme s'avère très différent. Pas question ici de besoin de reconnaissance car la fillette a déjà tout ce dont elle pourrait rêver mais elle a la certitude de ne pas être à sa place, tentée plus tard par les opportunités qu'offrent les jeux vidéos modernes connectés au Web. C'est là que le film va dénoter par rapport à son prédécesseur, faire en sorte que les personnages soient les seuls responsables de tout ce qui arrivera dans l'histoire. Pas de méchant défini, pas de manichéisme, les obstacles et les menaces ne sont créés que par les choix de nos héros. D'aucuns jugeront que cela les rend égoïstes voire détestables alors que leur parcours est totalement logique avec ce qu'ils ont traversé, Ralph craignant de tout perdre et Vanellope sachant que seul son compère la regretterait. Cela passe par une incohérence avec le premier volet
(Vanellope "faisant son Turbo". On pourra débattre que contrairement à Fix It Felix Jr., elle n'est pas indispensable à Sugar Rush et sa disparition n'aurait pas les mêmes conséquences mais le bug serait toujours présent)
mais la récompense vaut l'échange. À l'image de cette scène complètement inattendue mais vraiment bienvenue dans ce genre de productions tous publics où Rich Moore tacle ouvertement le phénomène hype/backlash et ses répercussions dangereuses sur les réseaux sociaux, Ralph 2.0 dénonce les extrêmes que peuvent atteindre certaines personnes à cause de l'influence des autres ou de leur obsession purement maladive. Des messages extrêmement importants de nos jours, soigneusement transmis et servant de fil conducteur à ce périple à travers la Toile. Ralph 2.0 n'est pas le premier à matérialiser le monde d'Internet mais tout comme San Fransokyo dans Les Nouveaux Héros, c'est l'utilisation du décor et la mise en scène qui rendent le voyage ultra-divertissant. Les moteurs de recherche incarnés par des diplômés, les flux d'informations illustrés par des circuits, les avatars des humains personnifiés en les Netiziens, Ebay fonctionnant comme une grosse vente aux enchères, tous ces éléments, déjà très drôles, rendent cette cité sans frontières vivante et riche en activité. Les réalisateurs peuvent s'éclater avec leur sujet, avec notamment un passage chanté impensable mis en musique par Alan Menken, un plan-séquence efficace sur le partage de vidéos et l'imagerie contemporaine de Slaughter Race. Seul le Dark Web est négligé au final, un peu dommage. Et comme prévu, la pop-culture n'est pas du tout le focus du récit, seule l'intrusion (heureusement courte) dans le site Oh My Disney se rapproche du fan-service avec un festival de caméos, d'easter-eggs et une rencontre avec les Princesses Disney. Cette rencontre parlons-en. Il s'agit d'un rassemblement historique, n'hésitons pas à le dire. Pour la première fois de son Histoire, les Walt Disney Animation Studios réaniment ces personnages intouchables, emblématiques et les fait interagir entre eux durant 5 minutes. Nous imaginons bien l'enfer qu'ont du être l'écriture et le montage de cette séquence. Réussir à ce que chacune des 14 femmes puisse avoir sa réplique personnelle, sa touche comique, à les caler toutes dans le cadre, le laisser respirer, ne pas rendre les débats étouffants, un énorme défi qui aurait pu s'enfoncer dans la bouffonnerie de Shrek le Troisième et aller dans la moquerie stupide. Mais Disney ne sont pas DreamWorks. Non seulement ils assument aujourd'hui avec fierté leurs formule d'antan mais surtout, ils sont franc-jeu avec leur public et mettent en évidence que les Princesses de Ralph 2.0 ne sont pas celles des films, seulement des versions programmées répondant aux attentes des internautes. Les blagues autour de leurs personnalités créent le rire grâce à la caricature volontaire des personnages. Les fans s'amuseront par contre à voir les scénaristes se moquer des conditions d'entrée dans la gamme Disney Princesses avec Vanellope ne correspondant à presque aucun critère. Pour rappel, à l'heure actuelle, Anna, Elsa et Vaiana n'en font toujours pas partie. Cette séquence d'anthologie, absolument hilarante et profitant du retour de toutes les voix originales, est destinée à devenir culte bien qu'elle soit surtout là pour réaliser un fantasme et s'intègre avec un peu plus de difficulté à l'histoire (Rassurons-nous, elle a tout de même un but).
La deuxième apparition des Princesses lors du climax est bien plus perfectible, pas forcément utile et pousse le rêve de gamine jusqu'à une intervention d'urgence pour secourir Ralph où on tente de leur donner un rôle à chacune d'entre elles. La scène de trop mais qui, si on y réfléchit, était nécessaire pour être cohérent avec leur caméo. Disney clashent directement leurs détracteurs mais bonjour la crédibilité si des modèles féminins supposées forts ne sont vus que dans leur petite chambre avec robes, tenues de détente et animaux de compagnie en train de se tourner les pouces.
Inclure ce sauvetage final était donc nécessaire pour équilibrer le tout. Et éviter une énième polémique tant qu'à faire. On quitte Ralph et Vanellope avec un pincement au cœur. La superbe fin de Ralph 2.0 achève une suite surpassant son aîné à tous les niveaux. Disney signent un nouveau Classique encore plus abouti que Les Mondes de Ralph qui, on l'espère, restera dans les mémoires pour ses personnages plus attachants que jamais et sa conclusion mature et émouvante.