Alors que pourrait poindre l’ennui à tout détour de pellicule, le film de David Gordon Green, figure emblématique du cinéma indépendant américain, parvient en permanence à susciter la curiosité. Remake d’un film islandais pour le moins mystérieux, Prince Avalanche dresse le portrait de deux travailleurs solitaires sur les routes texanes, en 1988 et à la suite d’un gigantesque incendie de forêt. Livrés à eux-mêmes dans un paysage monotone et sauvage, les deux compères, beaux-frères à la ville, prennent le temps de sonder leur psychologie, manière de voir les choses. Les conquêtes amoureuses de chacun constituent la majorité de leurs sujets de discussions, de disputes, de réconciliation. Mais là n’est, semble-t-il qu’un des aspects de ce long-métrage, récit islandais transposé en plein arrière Texas. Oui, soyons honnête, qui connaît partiellement les coutumes islandaises en matière de solitude et de sens de la vie y trouvera peut-être une vision différentes de l’œuvre de Green.
Alors que le tandem Emile Hirsch et Paul Rudd fonctionne comme sur des roulettes, leurs costumes kitsch et leurs habitudes intrigantes, l’on ne cesse jamais de lorgner vers une sorte de psychose commune à chacun des deux ouvriers. Sont-ils finalement deux à travailler sur cette route? Oui, la question peut paraître stupide mais quelques éléments laissent clairement à penser que le film de David Gordon Green va plus loin que de dresser le simple portrait d’une Amérique prolétaire en proie au doute. La vielle femme, victime des précédents incendie et fantomatique aux yeux du tandem pourrait être la clef du mystère. A partir de là, le visionnage de Prince Avalanche prend une toute autre tournure, permettant une vaste réflexion sur les affres de la solitude, de la psychose. Prenant acte des origines islandaises du récit, soyons certain que se cache là derrière quelque chose de bien plus complexe qu’une amitié fragile dans une contrée sauvage. Ce mystère est pour beaucoup dans mon appréciation du film.
Coté mise en scène, le terme indépendant prend tous son sens. Au nombre de quatre, les personnages de Prince Avalanche, dont deux sont réellement les seuls protagonistes du récit, marque vivement les intentions économes du réalisateur. De même, les décors naturels, entre beaux et laids, sont d’une linéarité troublante, exception faite de quelques séquences animalières très touchantes (tortue, âne ou encore moufflette). Soyons donc certain que le budget astronomiquement bas du film se ressent durant tout le visionnage, mais sans pour autant y intégrer un certain nombre de handicaps, souvent le maladie d’un cinéma indépendant qui n’arrive pas à s’assumer. La véritable force de David Gordon Green est bel est bien que le réalisateur assume pleinement son statut, avec fierté et sans se retourner.
Magnifique petit morceau de film pour le moins intriguant, Prince Avalanche n’est jamais ennuyeux. Pour autant, le film n’est jamais très attrayant non plus. Pour le moins, le travail de Green et de ses deux acteurs fascine, sans pour autant que l’on en connaisse les raisons. C’est là une subtilité d’un cinéma sans attache, d’un metteur en scène ne devant rendre des comptes qu’à lui-même. Espérons dès lors, pour notre culture, que le cinéma indépendant tel que celui-ci n’est pas en voie de disparition et que de tels artistes pourront continuer à délivrer leurs produits bruts, jamais lourds, toujours un peu léger mais radicalement différents des productions onéreuses destinés au large public. 13/20