« La Loi est la Loi. Pour être emprisonné, il n’est pas absolument nécessaire d’être coupable. Mais, d’un autre côté, pour être mis en liberté, il ne suffit pas toujours d’être innocent. »
Ce second film d’Yves Robert, qui, pour la première fois, met en vedette Louis De Funès, est encore tributaire du cinéma d’après-guerre, où le comique se devait d’être surjoué, style qui a très mal vieilli. La distribution oscille ainsi, et quel que soit leur âge, entre les interprètes au style ancien (Frédéric Duvallès, Roland Armontel, Jean-Marie Amato, Noëlle Adam) et celles et ceux au style plus moderne (Moustache, Madeleine Barbulée, Pierre Mondy)… et deux énigmes : Louis De Funès qui débute seulement et en fait déjà des caisses (et c’est drôle) et Claude Rich qui, dans des rôles comiques, pouvait s’avérer tout à fait insupportable.
Il est difficile de savoir si le côté vieillot du film est une volonté d’Yves Robert ou non. Quoi qu’il en soit, le scénario se situe quelque part entre le slapstick et le guignol, comme le générique le laisse d’ailleurs clairement entendre. Le choix de la petite ville de Bourgogne, du reste, offre à l’oeuvre des paysages d’une France éternelle, bien éloignée de la modernité. Notons que sort la même année Le Beau Serge, premier film de Claude Chabrol, également considéré comme le premier de la Nouvelle Vague.
Si l’histoire est éternelle, portée par la petite musique de comptine (la Truite, de Schubert), si le jeu des interprètes est parfois un peu suranné, la caméra d’Yves Robert est tout en suggestion (ombres chinoises, parties de cache-cache, objets qui disparaissent, sous-entendus, présence du personnage principal dans les conversations, etc.) et en fluidité pour capter à la perfection les jeux de mouvements et d’ombres.
La narration, enfin, enchaînant les gags avec beaucoup de finesse, égratigne aussi l’hypocrisie bourgeoise qui condamne Blaireau de manière injuste tout en profitant de ses méfaits. La description de la « prison de famille » tenue par Monsieur Bluette/Pierre Mondy témoigne aussi d’une réflexion qui dépasse le simple absurde de la situation.
Farce légère et dense, Ni Vu, Ni Connu, adapté de l’Affaire Blaireau de l’humoriste Alphonse Allais est un classique à tiroirs de la comédie populaire, à voir et à revoir.