En 2011, nous avons eu droit à un formidable "Intouchables". En cette toute fin 2014, nous avons "La famille Bélier", autre ovni du cinéma français. Un film qui aurait pu s’appeler "Intouchables 2". Parce qu’il est vrai que cette famille, soudée, parait intouchable face au regard des gens. Eh bien qu’à cela ne tienne, le titre centre directement l’intrigue sur la famille Bélier, sans que ça s’éparpille dans tous les sens. Rapidement se dessinent deux fils conducteurs. D’abord la destinée de l’adolescente Paula, incarnée par une jeune actrice nommée Louane Emera, dont le jeu d’actrice est encore limité mais qu’elle a su compenser dans ce rôle qui présente ses premiers amours, à savoir le chant. Pour preuve, elle a participé dans un premier temps à l’émission "L’école des stars" sur la chaîne de télévison Direct 8, puis à la saison 2 de "The voice" sur TF1, où elle atteindra tout de même les demi-finales avec son mentor Louis Bertignac. Ensuite le deuxième fil conducteur est la campagne électorale dans laquelle se lance le père de Paula, Rodolphe Bélier, incarné par un très surprenant François Damiens. On le connaît davantage dans des rôles d’abruti fini, d’idiot du village, mais ici il interprète un personnage qui est sourd (et muet), mais qui malgré son handicap comprend tout, entend tout, et voit tout en bon père qui se doit de répondre à son statut de père digne de ce nom. Les scénaristes se sont appliqués à entremêler les deux fils rouges pour compliquer les choses juste ce qu’il faut, et il est vrai que rien n’est facile dans la vie. Partant de la phrase attribuée à Napoléon 1er disant que "impossible n’est pas français", c’est dans cet adage que la famille s’engage dans la course à la mairie pour Rodolphe d’un côté, et dans la réussite du concours Radio France pour Paula de l’autre côté. Il fallait bien évidemment compter sur le coup d’œil, la bonne oreille d’un professeur de chant copieusement aigri, monsieur Thomasson, joué par Eric Elmosnino, cet acteur que j’ai découvert avec grand plaisir dans "La guerre des boutons" et qui rend encore ici une copie très propre. Karin Viard nous propose un personnage qui ne vit que par l’esprit de famille, aussi jamais elle ne se sera préparée à l’éventualité que sa progéniture puisse un jour voler de ses propres ailes. Cela entraîne des moments dôles, avec des répliques telles qu’on en attend de François Damiens, mais aussi une scène dure qui réunit Paula et ses parents,
alors que Gigi tente de noyer son désespoir dans la bouteille
. Et surtout, cela amène aussi une scène finale somptueuse, gigantesque en émotions, sur une dernière chanson de Michel Sardou puisqu’une partie du répertoire sera revisitée tout au long du film. Plus que la chanson en elle-même, c’est la façon de la chanter qui émeut au possible, et on pourrait croire que cette chanson, bien qu’elle date de 1978, a été écrite exprès pour ce film et plus spécifiquement pour cette scène. D’ailleurs, il y a fort à parier que vous gardiez en tête durant quelques heures, voire quelques jours, cette douce mélodie
portant les magnifiques paroles de "Je vole"
. Ce moment, le plus fort du film, vient achever une œuvre qui s’est voulue sincère, enterrant le parisianisme au profit de la ruralité, bien qu’il tente de le rattraper au sein de ce village de Mayenne. Eric Lartigau a choisi de traiter un sujet sensible : celui de la différence à travers la séparation enfants/parents. Car les sourds muets sont eux aussi des êtres humains, car eux aussi perçoivent les choses, certes de façon différente due à leur différence, mais qui font d’eux l’égal de toute personne dite normale.
Pour preuve, il n’y a qu’à voir la scène du duo chanté devant l’assemblée, sans aucun son, comparable à un silence religieux, et durant lequel les parents voient à quel point les spectateurs sont captivés, et mesurent l’émotion qui se lit sur les visages. C’est le déclic chez les parents de Paula, notamment chez Rodolphe, lui qui sera alors attentif au bonheur de sa fille, allant pour être sûr jusqu’à écouter la force des vocalises avec ses mains, pour finir de le décider à aider Paula à réaliser son rêve.
Alors oui le scénario peut paraître des plus simples, oui le scénario ne présente au fond pas grand-chose d’original, mais pour paraphraser l’internaute cinéphile Dedale 50, on voit une famille tout à fait normale évoluer dans un monde tout à fait normal dans un moment clé tout à fait normal, le langage des signes en plus. Le réalisateur n’est jamais tombé dans les pièges faciles que tendent les clichés, la mièvrerie et la sensiblerie. Comme quoi, la simplicité est parfois belle à contempler alors asseyez-vous et laissez-vous émouvoir, vous épater, tout en chantant.