Je crois bien que cet excellent film (qui a eu des critiques moyennes, et AUCUNE couverture médiatique, contrairement aux Onteniente, Youn et consorts.... Une honte!) a déjà disparu de la plupart des salles.
Pourquoi? je subodore une bien triste raison: Nadir Moknèche n'aurait il pas insuffisamment joué à l'arabe de service? Il signe un thriller que n'aurait pas renié Brian De Palma (à sa grande époque). Apparemment, ce n'est pas ce qu'on attend de lui, mais du folklore, de la provocation, Biyouna en vedette..... Ben non.
Mais un portrait de femme saisissant au sein d'une histoire bien glauque. La très belle Dounia (Lubna Azabal) est architecte à Tanger. Elle dirige la construction d'une résidence, surement destinée à être luxueuse, en bord de mer. Une vraie réussite professionnelle, donc! Elle a quitté son mari, et vit avec son amant serbe, Dimitri (Radivoje Bukvic), architecte également.
Elle a un chauffeur /homme de main /souffre douleur, Ali (Faouzi Bensaïdi). Ils se connaissent depuis l'enfance. Ils ont le même âge, et c'était le fils de la bonne de la famille. Manifestement, il est amoureux d'elle, et si il a accepté que Dounia épouse un homme riche, Inch Allah! c'est la force des choses, il n'encadre pas l'amoureux serbe.
Pendant les travaux de terrassement, on tombe sur des catacombes; c'était une nécropole chrétienne, et il y a une magnifique fresque (qui nous rappelle les portraits du Fayoun.....) que Dounia va chercher à vendre à l'étranger, avec la complicité du responsable des affaires culturelles, lequel évidemment touchera sa part.... Il ne s'agit surtout pas de vous révéler trop de détails sur l'intrigue, qui ne nous sont dévoilés que petit à petit d'une façon assez alambiquée, sachez juste que Gabriel, un jeune ouvrier nigérian, va se faire bouffer par les chiens des gardiens du site; il faut donc le faire disparaître; mais Gabriel a un amant français (l'excellent Grégory Gatebois), qui le recherche, et tout cela va constituer une trame très noire, un suite de faits qui ne peuvent que très mal se terminer.
Le personnage de Dounia, cette Scarlett O'Hara à la sauce maghrébine, est magnifique. Elle veut tout: choisir ses amants. Du fric. Foutre le camp du pays avec son fils. Et pour obtenir ce qu'elle veut, elle n'a ni états d'âme, ni scrupules; rien ne la retient. Elle est à la fois fascinante et terrifiante.
Et, si le film n'a pas l'air d'avoir des ambitions sociétales, il en dit en fait bien plus qu'un film militant. Car.
Le chantier est en zône inconstructible, mais comme le propriétaire du terrain est un richard du Golfe, personne ne s'en soucie. Les ouvriers sont tous des Africains au noir. Des ouvriers marocains devraient être payés bien trop cher.... Le ministre est prêt à brader un trésor culturel en loucedé, du moment que cela rapporte. Bref, c'est corruption à tous les étages. Un portrait du Maroc terrifiant!
Quant à Dounia.... ce n'est qu'une apparence de réussite. Son fils a été confié au mari. Elle ne peut le voir que quelques instants, sous surveillance, dans la maison du père.... pas question, par exemple qu'elle sorte se promener avec lui. Et toute la société, à commencer par sa propre mère, insiste pour que Dounia quitte Dimitri et retourne dans cette maison maritale qu'elle n'aurait jamais du quitter. Bon prince, le mari accepterait de la reprendre..... Donc, le portrait de la condition féminine, une fois écarté les rideaux de la modernité, est terrifiant aussi...
Bref, pour toutes ces raisons, vous devez voir Goodbye Morocco tant qu'il y a encore un ou deux cinémas pour le diffuser!