Le cinéaste, interdit de résidence en Algérie vu que ses films ne plaisaient pas vraiment aux autorités, a choisi de filmer dans le pays voisin, le Maroc, et à Tanger précisemment, où il s'est tourné également vers une intrigue plus sombre et plus tragique que les précédentes, mais en donnant toujours, car c'est sa marque de fabrique, un rôle de femme forte à son personnage central.
L’histoire commence avec Dounia, divorcée, un enfant, vit avec un architecte serbe à Tanger. Une liaison scandaleuse aux yeux de la famille marocaine. Le couple dirige un chantier immobilier, où le terrassement met au jour des tombes chrétiennes du IVe siècle, ornées de fresques. Dounia se lance alors dans un trafic lucratif, espérant gagner très vite de quoi quitter le Maroc avec son fils et son amant. Mais un des ouvriers du chantier disparaît…
Comme on le voit avec ce pitch, Nadir Moknèche a choisi un scénario très ambitieux qui part d'une intrigue type de film noir avec femme fatale, et le fait confronter à diverses thématiques importantes du Magrheb : le mariage interreligieux, le divorce, le sort des clandestins venus d'Afrique Noire, le tourisme sexuel pratiqué par des Européens ( incarné ici par un Grégory Gadebois bien loin de son personnage de la série des Revenants)
Bref, énormément de sujets que Nadir Moknèche a voulu aborder- peut etre même un peu trop pour un film d'une heure 40- , mais, en même temps, mieux vaut un film qui veut trop en dire plutot que pas assez.
Ici, la matière est tellement dense que la frsutration de ne pas voir tous les sujets suffisament exploités est moindre par rapport au plaisir du spectateur devant cette toile habilement tisée, et une construction en flash back particulièrement maligne.
Mais ce que l'on remarque le plus dans ce Goodybe Morroco au delà de l'intrigue criminelle propremnt dire, c'est l'amour fou, déraisonné de Nadir Moknèche pour les femmes. Et pas pour n'importe quelle femme. Des femmes de tempérament, dominantes, «dures». Le cinéaste a en effet "remarqué qu’au cinéma, on avait du mal avec les personnages de femmes ‘‘dures’’, sauf quand c’est traité en ‘‘burlesque’’ comme chez Tarantino. C’est encore pire quand c’est une femme arabe ".
Dans ce beau film, le cinéaste rend grace à ces femmes arabes en tissant un superbe portrait de femme fatale à une actrice qui profite largement de cet écrin tant la belle Loubna Azabal (déjà magnifique dans Incendies de Diider Villeneuve) livre une composition époustouflante d'intelligence, laissant entrevoir une certaine vulnérabilité sous des dehors de femme forte.
En plus de ce beau portrait de femme, le cinéaste prend également soin de donner de l'épaisseur aux hommes qui l'entourent , avec notamment ce personnage d'Ali, cet ami d'enfance secretement amoureux de Dounia, personnage toute en souffrance rentrée et ambiguité.
Et ce qui touche aussi dans ce Goodbye Morroco, c'est le soin apporté au cadre et à la photo (grâce très beau travail de la chef opératrice Hélène Louvart) qui donne paradoxalement une tonalité trés lumineuse à un film à l'intrigue noire et sombre, paradoxe qui joue en faveur du troublé laissé par le film de Moknèche.
En résumé, ce Goodbye Morroco est pour le moment un des plus beaux films que j'ai pu voir en 2013, et je serais ravi qu'il arrive à toucher d'autres spectacteurs que moi, tentés par le même beau voyage cinématographique que j'ai pu faire
http://www.baz-art.org/archives/2013/02/12/26365864.html.