La France, pays de la comédie lourdingue et du film d'auteur cannois, et pas du film d'action ?
Pas forcément, puisque l'hexagone dispose d'un artisan modeste, mais diablement efficace, en passe devenir LA référence du polar local : un certain Fred Cavayé.
Levons vite le malentendu, Cavayé n'est ni Mchael Mann, ni John McTiernan.
Son créneau, ce n'est pas film d'action profond et flamboyant, c'est la série B, le petit polar urbain nerveux rempli de mafieux patibulaires et de flics héroïques. Peu de psychologie et des personnages pas très évolués. Beaucoup de castagne, et quelques coups de tête pour terminer le travail proprement. Si la perspective de voir un voyou albanais (?) se faire démolir dans les grandes largeurs à coup de barre de fer n'est pas votre tasse de thé, passez votre chemin. Les autres, profitez en. Car dans le genre, le cinéaste prouve à chaque film que l'on peut faire de BONNES séries B et que le nivellement par le bas du film d'action hexagonal par Luc Besson et ses sbires n'est pas une fatalité.
Car le bougre a des idées. Des idées de lumière, de mise en scène, de montage et de rythme. Et même si tout cela est au service d'une histoire assez simpliste (de gros méchants qui poursuivent un gentil-traumatisé et sa famille), on peut apprécier le délicieux mélange pendant 90 minutes servies (très) serrées, tout en s'émerveillant de l'ouverture d'esprit des commissions de contrôle de notre pays (malgré des têtes qui explosent, des gerbes de sang et des séquences hautement traumatisantes à coup de portes de voitures et de couteaux de chasse, le film n'est pas interdit au moins de 12 ans...
Le réalisateur travaille ses plans, pense ses décors, cherche la meilleure place dans l'espace, minute précisément chacune de ses cours poursuites. Et se permet même de prendre régulièrement le spectateur à contre-pied. Une voiture arrêtée, qui rebondit, on pense à un petit 5 à 7 dans un parking ? Pas vraiment. Un petit mec humilié sous le regard du héros qui va se transformer à la seconde en chevalier blanc ? Absolument pas.
Après la surprise, Cavayé nous ballade dans des rues désertes, dans les coulisses d'une corrida, dans un marché complètement vide... pour mieux nous catapulter immédiatement dans une assourdissante boite de nuit avant de finir l'ouvrage avec tous les moyens de transport mis à disposition. Le refus de la facilité, la recherche permanente de chiader la scène au maximum : tout ce que l'on ne voit pas assez souvent dans la plupart des films d'action mal torchés qui envahissent les écrans et désespèrent le public.
Et quand l'action s'arrête quelques minutes, la tension reste, palpable, à peine brisée par les quelques saillies d'humour génialement incongrues au milieu de ce bain de sang (la séquence de contrôle des billets est d'ores et déjà culte). Dans un tel tourbillon, il ne reste pas grand chose à faire aux interprètes, si ce n'est éviter la crise cardiaque avant la dernière bobine (ce qui n'est pas évident pour Vincent Lindon qui manque de tourner de l'œil plusieurs fois
A ce stade, on pourrait quand même glisser quelques conseils à Fred Cavayé : savoir s'arrêter un peu avant l'overdose (la scène finale est de trop), laisser tomber ses sous-histoires lourdingues pour ne laisser que l'action pure, la peur, la tension. Essayer aussi de travailler avec d'autres acteurs parce que Gilles Lellouche n'est pas mal, mais forcément un peu limité.
Mais il serait dommage de faire la fine bouche...