Ce qui est touchant dans Ressources humaines de Laurent Cantet c'est d'avoir réussi à inscrire son histoire de plan de licenciement dans un drame familiale et d'avoir su le traiter avec finesse. Parce qu'on voit les grosses coutures de ce genre de film à des kilomètres, on a le retour du fils prodigue qui va être cadre dans l'usine où son père est ouvrier et qui va devoir choisir entre la fidélité à l'entreprise et sa famille... Mais justement Cantet arrive à faire quelque chose de ce motif en écrivant des personnages qui transpirent la vérité.
Je crois moi dans ce père ouvrier qui est tellement content de croire que l’ascenseur social a marché, que son fils a réussi à se placer du côté des patrons, qui a honte de sa condition d'ouvrier... Et je crois à ce fils transfuge de classe qui est tiraillé entre les intérêts de sa famille et ceux de sa nouvelle classe sociale. Surtout que ce fils pense faire le bien, il croit apporter le progrès social, il croit qu'on peut court-circuiter les syndicats (qui sont quand même un peu chiants et bruyants, surtout la dame de la CGT) pour faire avancer le dialogue social dans l'entreprise. Il y a quelque chose d'assez touchant dans cette naïveté.
Et puis il y a tout le cadre que place Cantet qui aide à rendre ça crédible, on voit bien que maintenant qu'il est de l'autre côté ses amis d'enfance le traitent différemment, il n'est plus l'un des leurs, ce qu'il dit est nécessairement considéré comme du mépris de classe.
Il y a une certaine empathie qui se développe chez le spectateur pour ce transfuge, qui n'est à sa place nulle part.
Cantet se sert donc des personnages réussis et touchants, pour développer son message politique qui est assez fort, notamment le syndicalisme et sa nécessité et sur la perversité de la classe bourgeoise, prête à tout pour maximiser les profits. Le message est d'autant plus percutant qu'il concerne des personnage qu'on a appris à apprécier et dont le sort nous touche. Surtout que ce n'est pas manichéen, on comprend bien que le héros ne veut pas de mal aux ouvriers, au contraire, mais on voit aussi qu'il a envie d'appliquer ce qu'on lui a appris dans son école, les nouvelles techniques managériales...
La collision de la classe sociale avec de la famille, ça amène des réflexions intéressantes et vu que tout ça est traité avec beaucoup de vraisemblance, ça donne un film qui ne sombre pas de le pathos, qui sait se maintenir à distance des larmes, qui parvient à garder une certaine pudeur pour délivrer un film fort et juste sur la condition ouvrière (entre autres).