Casa Nostra est le premier long métrage de Nathan Nicholovitch, déjà remarqué pour ses courts métrages comme "Salon de Beauté". Le film a été présenté au Festival de Cannes en 2012 dans le cadre de la programmation ACID (l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) ; il figurait en compétition au Festival Premiers Plans d’Angers 2013 et il s'agit également du premier film du trio d'acteurs Clo Mercier - Gilles Kazazian - Céline Farmachi.
L’idée de Casa Nostra est apparue en 2005 au sein du collectif Les Films aux dos tournés, une structure de production indépendante au sein de laquelle Nathan Nicholovitch dirige un atelier de jeu, un "espace d’expérimentation pour les comédiens". Le film s’est ainsi d’emblée construit comme un film collectif, presque familial : "Quand j’ai proposé l’idée de Casa Nostra à la troupe, il y avait donc aussi l’idée de travailler sur la famille en famille. C’était une façon de parler de nous et de notre désir de faire des films ensemble. J’avais le sentiment que Clo, Céline et Gilles voulaient eux aussi répondre à ça. Il y avait aussi bien sûr mon désir de les filmer, de passer du temps avec eux", se souvient Nicholovitch.
Le thème de l'absence du père a été central dans l'élaboration du film, et a ensuite mené Nathan Nicholovitch à se pencher sur la famille de manière plus large, et sur les relations entre les membres qui la composent. Pour le réalisateur : "Qu’on se construise avec ou contre, personne n’échappe à la famille. Elle définit notre premier rapport au monde, notre manière de l’appréhender - socialement, politiquement. Il y a une sorte de règle qui est d’aimer son père et sa mère. Mais dans la famille rien n’est naturel : le sang n’est pas suffisant pour établir un lien."
Le choix de tourner en noir et blanc s'est fait après le début du tournage : "Le tournage a commencé en couleurs mais je n’étais pas franchement convaincu par l’image du film", se remémore Nathan Nicholovitch, qui poursuit : "Le chef opérateur, Florent Astolfi, m’a donc proposé de passer le film en noir et blanc. J’y avais déjà pensé (...) sans réellement me l’autoriser. Il est apparu de manière évidente qu’en chassant les détails de l’image, on renforçait la présence des comédiens, et donc la force des personnages". Le noir et blanc s'est aussi imposé comme un hommage : "Il me rappelait le cinéma italien des années 50, les films de De Sica, et les premiers films de la nouvelle vague, qui m’ont donné envie de faire du cinéma", termine le metteur en scène.
Nathan Nicholovitch a opté pour un format d'image carré dans Casa Nostra, afin de proposer au spectateur quelque chose de plus expérimental : "J’avais aussi très envie de filmer le visage des comédiens dans ce cadre-là et je me souviens aussi qu’au départ, j’imaginais même faire le film en super 8", raconte le réalisateur qui, en travaillant sur cette esthétique différente, a cherché à impliquer davantage le spectateur : "Il n’est pas possible de cadrer les trois personnages dans le même plan, ce qui implique soit de composer au premier, deuxième, voire troisième plan - ce qui concernant une fratrie est déjà raconter quelque chose, découper les séquences et isoler les personnages les uns des autres (...) Au spectateur de les réunir, ou pas."
Le personnage du père, qui rassemble la famille, occupe une place très particulière dans Casa Nostra, comme le souligne Nathan Nicholovitch : "Il y a une grande partie du travail de Pierre Durand, le comédien qui joue le rôle du père, qui a été tournée et que l’on ne voit pas dans le film. (...) Il fallait qu’il nous apparaisse assez clairement, aux comédiens et à moi, tout en étant absent du film". L'absence du père semble donc aussi forte que le serait sa présence, une impression recherchée par le cinéaste : "Dès l’écriture du film, il était évident que le père serait un personnage en creux, une espèce de fantôme - quelque chose du manque, et qu’il serve en miroir à faire apparaître les personnages de la fratrie."
Pour Nathan Nicholovitch, le scénario n'est qu'une base de travail de laquelle les acteurs et l'équipe peuvent - doivent - s'affranchir le plus possible. Le metteur en scène explique : "Cela peut sembler paradoxal mais pour moi le scénario est un cadre de travail à la fois riche et insuffisant. Une fois terminé, je m’en méfie proprement. Sur le tournage, il s’agit à la fois de le respecter au plus près mais de lui tordre le cou dans le même temps. Je le considère comme une chose morte que les comédiens et moi devons mettre en vie."